William Shakespear

Le songe d'une nuit d'été
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TITANIA.

  Venez, mon époux; et, dans notre vol
  Dites-moi comment il s'est fait cette nuit
  Que vous m'avez trouvée dormant ici
  Par terre avec ces mortels.

(Ils sortent.)

(Paraissent Thésée, Égée, Hippolyte et leur suite.)

THÉSÉE.--Allez, l'un de vous, et trouvez-moi le garde forestier,
car notre cérémonie est finie; et puisque voici le point du jour, ma
bien-aimée entendra le concert de mes chiens.--Découplez-les dans
le vallon de l'ouest: allez.--Dépêchez, vous dis-je, et trouvez le
garde.--Nous allons, ma belle reine, gravir le sommet de la montagne,
pour écouter la confusion harmonieuse des voix des chiens et de l'écho
réunis.

HIPPOLYTE.--J'étais un jour avec Hercule et Cadmus, lorsqu'ils
chassaient l'ours dans une forêt de Crète avec des chiens de Sparte:
jamais je n'entendis plus vigoureuse battue. Les bois, les cieux, les
fontaines, les environs entiers semblaient retentir d'un seul cri.
Jamais je n'ai entendu de dissonance aussi harmonieuse, et un vacarme
aussi agréable.

THÉSÉE.--Mes chiens sont de race lacédémonienne, à large gueule,
tachetés de roux, leurs têtes sont ornées de longues oreilles pendantes
qui balayent la rosée du matin; les jambes sont arquées comme celle des
taureaux de Thessalie; ils sont lents à la poursuite, mais assortis en
voix comme des cloches accordées à l'octave. Jamais cri plus harmonieux
ne fit retentir les tayauts, et ne fut égayé par les cors, dans la
Crète, à Sparte ou dans la Thessalie. Vous allez les entendre et en
juger.--Mais, chut! quelles sont ces nymphes?

ÉGÉE.--Mon prince, c'est ma fille qui est endormie ici: celui-ci, c'est
Lysandre; voilà Démétrius; et voici Hélène, la fille du vieux Nédar. Je
suis bien étonné de les trouver ici tous ensemble.

THÉSÉE.--Sans doute ils se seront levés de grand matin pour célébrer la
fête de mai; et, instruits de nos intentions, ils sont venus ici orner
la pompe de notre hymen. Mais, parlez, Égée; n'est-ce pas aujourd'hui le
jour où Hermia doit donner sa réponse sur son choix?

ÉGÉE.--Oui, mon prince.

THÉSÉE.--Allez, ordonnez aux chasseurs de les réveiller au bruit du cor.

(On entend des cors et des cris de joie.)

(Démétrius, Lysandre, Hermia et Hélène se réveillent en sursaut et se
relèvent.)

THÉSÉE.--Bonjour, mes amis: la Saint-Valentin[34] est passée.--Ces
oiseaux des bois ne commencent-ils à s'accoupler qu'à présent?

(Tous se prosternent devant Thésée.)

[Note 34: Allusion au proverbe que les oiseaux commencent à
s'accoupler à la Saint-Valentin.]

LYSANDRE.--Pardon, mon prince.

THÉSÉE.--Je vous prie, levez-vous tous: je sais que vous êtes deux
rivaux ennemis. Comment s'est opérée cette paisible réunion entre vous?
Comment votre haine est-elle devenue si peu jalouse, que je vous trouve
dormant près de la haine, sans craindre l'un de l'autre aucune inimitié?

LYSANDRE.--Mon prince, je vous répondrai avec étonnement, à demi
endormi, à demi éveillé: mais en vérité, il m'est encore impossible de
dire comment je suis venu en ce lieu. Je présume, car je voudrais vous
dire la vérité... et en ce moment, je me rappelle... oui, je me le
rappelle, je suis venu ici avec Hermia; notre dessein était de sortir
d'Athènes, afin d'échapper aux dangers de la loi athénienne.

ÉGÉE.--C'est assez, c'est assez, mon prince; vous en avez assez entendu:
je réclame la loi contre lui.--Ils voulaient s'évader; et par cette
fuite, Démétrius, ils voulaient nous frustrer, vous de votre épouse, moi
de mon consentement à ce qu'elle devînt votre femme.

DÉMÉTRIUS.--Noble duc, c'est la belle Hélène qui m'a informé de leur
évasion dans ce bois, et du dessein qui les y conduisait; et moi, dans
ma fureur, je les ai suivis jusqu'ici; et la belle Hélène, poussée par
sa tendresse, m'a suivie. Mais, mon bon prince, je ne sais par quelle
puissance (sans doute par quelque puissance supérieure) mon amour pour
Hermia, fondu comme la neige, me semble en ce moment le souvenir confus
des vains hochets dont je raffolais dans mon enfance; et maintenant
l'unique objet de ma foi, de toutes les affections de mon coeur, l'objet
et le plaisir de mes yeux, c'est Hélène seule; j'étais fiancé avec elle,
mon prince, avant que j'eusse vu Hermia: comme un malade, je me dégoûtai
de cette beauté; mais aujourd'hui bien portant, je reviens à mon goût
naturel; maintenant, je la veux, je l'aime, je la désire, et je lui
serai à jamais fidèle[35].

[Note 35: Ces méprises d'amour ont sans doute donné l'idée du
dix-septième chant de la _Pucelle_.]

THÉSÉE.--Beaux amants, la rencontre est heureuse. Nous entendrons plus
tard les détails de cette aventure.--Égée, je triompherai de votre
volonté, tout à l'heure, dans le même temple, avec nous, ces deux
couples seront éternellement unis; et nous laisserons là notre projet de
chasse, car la matinée est déjà un peu avancée.--Allons, retournons tous
à Athènes; nous allons célébrer à nous six une fête solennelle.--Venez,
Hippolyte.

(Thésée et Hippolyte sortent avec leur suite.)

DÉMÉTRIUS.--Toutes ces aventures paraissent comme des objets
imperceptibles, comme des montagnes éloignées et confondues avec les
nuages.

HERMIA.--Il me semble que je vois ces objets d'un oeil troublé; tout me
paraît double.

HÉLÈNE.--C'est la même chose pour moi; et j'ai trouvé Démétrius comme un
joyau qui est à moi, et qui n'est pas à moi.

DÉMÉTRIUS.--Il me semble à moi, que nous dormons, que nous rêvons
encore.--Ne croyez-vous pas que le duc était tout à l'heure ici, et
qu'il nous a dit de le suivre?

HERMIA.--Oui, et mon père y était aussi.

HÉLÈNE.--Et Hippolyte.

LYSANDRE.--Et il nous a invités à le suivre au temple.

DÉMÉTRIUS.--Alors, nous sommes éveillés.--Suivons ses pas; et en chemin,
racontons-nous nos songes.

(Ils sortent; au moment où ils s'en vont, Bottom se réveille.)

BOTTOM.--Quand mon tour viendra, appelez-moi, et je répondrai.--Ma
première réplique est: _Très-beau Pyrame_.--Hé, holà!--Pierre
Quince; Flute, le raccommodeur de soufflets; Snout, le chaudronnier;
Starveling... Mort de ma vie! ils se sont évadés d'ici et m'ont laissé
endormi.--J'ai eu une bien étrange vision! j'ai fait un songe... il est
au-dessus des facultés de l'homme de dire ce qu'était ce songe. L'homme
n'est qu'un âne, s'il veut se mêler d'expliquer ce rêve. Il me semblait
que j'étais....--Il n'y a pas d'homme qui puisse dire ce que j'étais.
Il me semblait que j'étais... et il me semblait que j'avais...--Mais
l'homme n'est qu'un fou en habit d'arlequin, s'il entreprend de dire
ce qu'il me semblait que j'étais. L'oeil de l'homme n'a jamais ouï,
l'oreille de l'homme n'a jamais vu; la main de l'homme ne peut goûter,
ni sa langue concevoir ni son coeur exprimer en paroles ce qu'était mon
rêve. Je veux aller trouver Pierre Quince pour qu'il compose une ballade
sur mon songe: on l'appellera _le rêve de Bottom_[36], parce que c'est un
rêve sans fond; et je le chanterai à la fin de la pièce, devant le duc:
et peut-être même, pour rendre la pièce plus agréable, le chanterai-je à
la mort de Thisbé. (Il sort.)

[Note 36: _Bottom_ signifie le _fond_.]


SCÈNE II

La scène est à Athènes, dans la maison de Quince.

QUINCE, FLUTE, SNOUT ET STARVELING.


QUINCE.--Avez-vous envoyé chez Bottom? Est-il rentré chez lui?

STARVELING.--On ne peut avoir de ses nouvelles: sans doute, les esprits
l'ont transporté loin d'ici.

FLUTE.--S'il ne vient pas, la pièce est perdue. Elle ne peut plus aller,
n'est-ce pas?

QUINCE.--Ce n'est pas possible: vous n'avez pas dans tout Athènes,
d'autre homme que lui en état de jouer _Pyrame_.

FLUTE.--Non; il a tout simplement le plus grand talent de tous les
artisans d'Athènes.

QUINCE.--Oui, et la plus belle tournure aussi, un beau galant, avec une
douce voix.

FLUTE.--Vous devriez dire une merveille incomparable. Un galant est,
Dieu nous bénisse, une chose qui n'est bonne à rien!

(Entre Snug.)

SNUG.--Messieurs, le duc revient du temple; et il y a deux ou trois
seigneurs et dames de plus, qui se sont mariés en même temps que lui. Si
notre divertissement eût été en train, notre fortune à tous était faite.

FLUTE.--Oh! mon brave Bottom! voilà comme il a perdu six sous par jour
de revenu sa vie durant: il ne pouvait manquer d'avoir six sous par
jour. Si le duc ne lui avait pas fait six sous par jour pour jouer
Pyrame, je veux être pendu! Et il les aurait bien mérités; oui, six
sous[37] par jour, ou rien pour le rôle de Pyrame.

[Note 37: «Trait de satire contre Preston, auteur de la pièce de
_Cambyse_. Il joua un rôle dans la _Didon_ de Nash, devant Elisabeth,
qui le gratifia d'une pension de vingt livres sterling par an (ce qui ne
fait guère qu'un shilling par jour).» STEEVENS.]

(Survient Bottom.)

BOTTOM.--Où sont ces camarades? où sont ces braves coeurs?

QUINCE.--Bottom!--Ô le superbe jour! ô l'heure fortunée!

BOTTOM.--Messieurs, je vais vous raconter des merveilles.... Mais ne me
demandez pas ce que c'est; car si je vous le dis, je ne suis pas un
vrai Athénien: je vous dirai tout, exactement comme les choses se sont
passées.

QUINCE.--Voyons, cher Bottom.

BOTTOM.--Vous n'aurez pas un mot de moi. Tout ce que je vous dirai,
c'est que le duc a dîné. Revêtez-vous de vos habits; de bonnes attaches
à vos barbes, des rubans neufs à vos escarpins: rendez-vous tous au
palais; que chacun jette un coup d'oeil sur son rôle; car la fin de
l'histoire est que notre pièce est le divertissement préféré. À tout
événement que Thisbé ait soin d'avoir du linge propre; et que celui qui
joue le lion n'aille pas rogner ses ongles, car ils passeront pour les
griffes du lion; et, mes très-chers acteurs, ne mangez point d'ognons,
ni d'ail, car il faut que nous ayons une haleine douce; et, moyennant
tout cela, je ne doute pas que nous ne les entendions dire: _Voilà une
charmante comédie!_ Plus de paroles; allons, partons. (Ils sortent.)

FIN DU QUATRIÈME ACTE.




ACTE CINQUIÈME


SCÈNE I

Athènes.--Appartement dans le palais de Thésée

THÉSÉE, HIPPOLYTE, PHILOSTRATE, SEIGNEURS, _Suite_.


HIPPOLYTE.--Cela est étrange, mon cher Thésée, ce que racontent ces
amants!

THÉSÉE.--Plus étrange que vrai. Jamais je ne pourrai ajouter foi à ces
vieilles fables, ni à ces jeux de féerie. Les amants et les fous ont des
cerveaux bouillants, une imagination féconde en fantômes, et qui conçoit
au delà de ce que la froide raison peut jamais comprendre. Le fou,
l'amoureux et le poëte sont tout imagination. L'un voit plus de démons
que l'enfer ne peut en contenir; c'est le fou; l'amoureux, non moins
extravagant, voit la beauté d'Hélène sur un front égyptien. L'oeil du
poëte, roulant dans un beau délire, lance son regard du ciel à la terre,
et de la terre aux cieux; et comme l'imagination donne un corps aux
objets inconnus, la plume du poëte leur imprime de même des formes, et
assigne à un fantôme aérien une demeure et un nom particulier; tels sont
les jeux d'une imagination puissante; si elle conçoit un sentiment de
joie, elle crée aussitôt un être, messager de cette joie: ou si, dans
la nuit, elle se forge quelque terreur, avec quelle facilité un buisson
devient un ours!

HIPPOLYTE.--Mais toute l'histoire qu'ils ont racontée de ce qui s'est
passé cette nuit, leurs idées ainsi transformées, tout cela annonce plus
que les illusions de l'imagination, et présente quelque chose de réel,
mais de toute façon, d'admirable et d'étrange.

(Entrent Lysandre, Démétrius, Hermia et Hélène.)

THÉSÉE.--Voici nos amants qui viennent pleins de joie et
d'allégresse.--Que le bonheur et de longs jours d'amour accompagnent vos
coeurs, aimables amis!

LYSANDRE.--Que des jours plus beaux encore suivent les pas de Votre
Altesse, et éclairent votre table et votre couche!

THÉSÉE.--Allons, quelles mascarades, quelles danses aurons-nous pour
consumer sans ennui ce siècle de trois heures, qui doit s'écouler entre
le souper et l'heure du lit? Où est l'ordonnateur habituel de nos fêtes?
Quels divertissements sont préparés? N'y a-t-il point de comédie, pour
soulager les angoisses de cette heure éternelle? Appelez Philostrate.

PHILOSTRATE.--Me voici, puissant Thésée.

THÉSÉE.--Dites; quel passe-temps avez-vous pour cette soirée? Quelle
mascarade? Quelle musique? Comment tromperons-nous l'ennui du temps
paresseux, si nous n'avons pas quelque plaisir pour nous distraire?

PHILOSTRATE.--Voilà la liste des divertissements qui sont préparés.
Choisissez celui que Votre Altesse préfère voir le premier. (Il lui
remet un écrit.)

THÉSÉE _lit_.--_Le combat des centaures pour être chanté par un eunuque
athénien, sur la harpe_.--Nous ne voulons pas de cela; j'en ai fait tout
le récit à ma bien-aimée, à la gloire de mon parent Hercule.--_La fureur
des bacchantes enivrées, déchirant le chantre de la Thrace dans leur
rage_.--C'est un vieux sujet; et je l'ai vu jouer la dernière fois que
je revins vainqueur de Thèbes.--_Les neuf muses pleurant la mort de
la Science, récemment décédée dans l'indigence[38]_.--C'est quelque
critique, quelque satire mordante, et cela ne va pas à une fête
de noces.--_Une ennuyeuse et courte scène du jeune Pyrame, avec sa
maîtresse Thisbé; farce vraiment tragique_.--Tragique et comique à la
fois! courte et ennuyeuse! C'est comme qui dirait de la glace chaude, et
de la neige d'une espèce aussi rare. Comment accorder ces contraires?

[Note 38: Allusion à un poëme de Spencer. Ce poëte mourut de misère
en 1598.]

PHILOSTRATE.--C'est, mon prince, une pièce longue de quelque dizaine de
mots, ce qui est aussi court qu'aucune pièce de ma connaissance; mais
avec ces dix mots, mon prince, elle est encore trop longue, ce qui
la rend ennuyeuse; car, dans toute la pièce, il n'y a pas un mot à sa
place, ni un seul acteur propre à son rôle; et c'est une pièce tragique,
mon prince; car Pyrame se tue lui-même à la fin: ce qui, je vous
l'avoue, quand je l'ai vu répéter, a rendu mes yeux humides; mais de
larmes plus gaies, que n'en ont jamais fait jaillir les plus bruyants
éclats de rires.

THÉSÉE.--Quels sont les acteurs?

PHILOSTRATE.--Des artisans, aux mains calleuses, qui travaillent ici
dans Athènes, mais qui n'ont jamais travaillé d'esprit jusqu'à ce
moment; ils se sont avisés aujourd'hui de charger de cette pièce leur
mémoire inexercée, pour la cérémonie de vos noces.

THÉSÉE.--Nous voulons la voir jouer.

PHILOSTRATE.--Non, mon noble duc; elle n'est pas digne de vous: je l'ai
entendue d'un bout à l'autre, et cela ne vaut rien, rien au monde; à
moins que vous ne trouviez quelque amusement dans leur intention, en les
voyant se tourmenter, et réciter avec tant de peine, pour plaire à Votre
Altesse.

THÉSÉE.--Je veux entendre cette pièce: tout ce qui est offert par la
simplicité et le zèle est toujours bien. Allez, faites-les venir.--Et
vous, mesdames, prenez vos places. (Philostrate sort.)

HIPPOLYTE.--Je n'ai pas de plaisir à voir des malheureux échouer, et le
zèle succomber dans ses efforts pour plaire.

THÉSÉE.--Hé! ma chère, vous ne verrez pas cela non plus.

HIPPOLYTE.--Il dit qu'ils ne peuvent rien faire de supportable en ce
genre.

THÉSÉE.--Nous n'en paraîtrons que plus généreux, en les remerciant, sans
qu'ils nous aient rien donné. Notre plaisir sera de comprendre ce qui
fait le sujet de leurs erreurs. Là où la bonne volonté échoue, un
noble coeur considère l'intention, non le mérite de l'action. Dans mes
voyages, souvent de grands clercs formaient le projet de me complimenter
par des harangues longtemps étudiées; et, lorsque je les voyais
frissonner et pâlir, rester court au milieu de leurs périodes, étouffer
dans leur peur leur voix exercée, et pour conclusion rester muets et
sans harangue, croyez-moi, ma chère, je cueillais un compliment dans le
silence, et j'en lisais autant dans la modestie de leur zèle timide,
que dans la bruyante voix d'une éloquence audacieuse et arrogante;
l'affection et la simplicité muette m'en disent donc beaucoup plus que
tout ce que je pourrais entendre.

(Philostrate revient.)

PHILOSTRATE.--S'il plaît à Votre Altesse, le Prologue est
tout prêt.

THÉSÉE.--Qu'il s'avance.

(On joue une fanfare.)[39].

[Note 39: Il paraît que le prologue était anciennement introduit au
son des trompettes.]

(Le Prologue entre.)

LE PROLOGUE.--«Si nous déplaisons, c'est avec notre bonne volonté; il
faut que vous pensiez que nous ne venons pas pour offenser, mais par
notre bonne volonté, vous montrer notre simple savoir-faire, voilà le
véritable commencement de notre fin. Considérez donc que nous ne venons
qu'avec dépit. Nous ne venons point comme pour vous contenter; mais
c'est notre véritable intention. Nous ne sommes pas ici pour votre
plaisir; que si vous avez regret, les acteurs sont tout prêts et par
leur jeu vous saurez tout ce qu'il y a apparence que vous sachiez.»

THÉSÉE.--Ce garçon ne s'arrête pas sur les points.

LYSANDRE.--Il a galopé son prologue, comme un jeune cheval; il ne
connaît point d'arrêt. Voilà une bonne leçon, mon prince: il ne suffit
pas de parler; il faut parler sensément.

HIPPOLYTE.--En vérité, il a joué sur son prologue comme un enfant sur
une flûte: des sons, mais sans mesure.

THÉSÉE.--Son discours ressemblait à une chaîne embrouillée; il n'y avait
aucun anneau de moins, mais tous étaient en désordre. Qui vient après
lui?

(Entrent Pyrame, Thisbé, la Muraille, le Clair-de-Lune et le Lion, comme
dans une pantomime.)

LE PROLOGUE.--«Seigneurs, peut-être êtes-vous étonnés de ce spectacle;
mais étonnez-vous jusqu'à ce que la vérité vienne tout éclaircir. Ce
personnage, c'est Pyrame, si vous voulez le savoir. Cette belle dame,
c'est bien certainement Thisbé. Cet homme, enduit de chaux et de crépi,
représente une muraille, cette odieuse muraille qui séparait ces deux
amants; et les pauvres enfants, il faut qu'ils se contentent de murmurer
tout bas au travers d'une fente de la muraille, que personne ne s'en
étonne. Cet autre, avec sa lanterne, un chien et un buisson d'épines,
représente le clair de lune; car, si vous voulez le savoir, ces deux
amants ne se firent pas scrupule de se donner rendez-vous au clair de
lune, à la tombe de Ninus, pour s'y faire la cour. Cette terrible bête,
qui, de son nom, s'appelle un lion, fit reculer, ou plutôt épouvanta la
fidèle Thisbé venant dans l'ombre de la nuit; et en fuyant, elle laissa
tomber son manteau, que l'infâme lion teignit de sa gueule ensanglantée.
Aussitôt arrive Pyrame, ce beau et grand jeune homme, et il trouve le
manteau sanglant de sa fidèle Thisbé. À cette vue, avec son épée, sa
coupable et sanguinaire épée, il perce bravement son sein bouillant;
et Thisbé, qui s'était arrêtée sous l'ombrage d'un mûrier, retira son
poignard, et mourut. Quant au reste, que le Lion, le Clair-de-Lune, la
Muraille et les deux amants l'expliquent dans leurs grands discours tant
qu'ils seront en scène.»

(Sortent le Prologue, Thisbé, le Lion et le Clair-de-Lune.)

THÉSÉE.--Je me demande si le lion doit parler.

DÉMÉTRIUS.--Il n'y a rien d'étonnant à cela, mon prince: un lion peut
parler, si tant d'ânes le peuvent[40].

[Note 40: Allusion à une fable de l'Estrange: _les Ânes juges de
paix_.]

LA MURAILLE.--«Dans le même intermède, il se trouve que moi, qui de mon
nom m'appelle _Snout_, je représente une muraille, et une muraille qui,
veuillez m'en croire, a un trou ou une crevasse, par laquelle les deux
amants, Pyrame et Thisbé, murmuraient souvent en secret. Cette chaux,
ce crépi et cette pierre vous montrent que je suis précisément cette
muraille: voilà la vérité. Et voici à droite et à gauche l'ouverture, la
lézarde par laquelle ces timides amants doivent se parler tout bas.»

THÉSÉE.--Peut-on demander à la chaux et à la bourre de mieux parler?

DÉMÉTRIUS.--C'est, mon prince, le mur le plus spirituel que j'aie jamais
entendu.

THÉSÉE.--Voilà Pyrame qui s'approche de la muraille: silence.

PYRAME.--«Ô nuit au lugubre visage, ô sombre nuit! ô nuit, qui es
toujours, quand le jour n'est plus! ô nuit! ô nuit! hélas! hélas! je
crains bien que ma Thisbé n'ait oublié sa promesse!--Et toi, ô muraille!
ô douce et aimable muraille! qui est élevée entre le terrain de son père
et le mien! toi, muraille! ô muraille! ô muraille! ô aimable et douce
muraille, montre-moi ta lézarde, que je puisse regarder au travers
avec mes yeux! (_La muraille écarte ses doigts_.) Je te rends grâces,
courtoise muraille; que Jupiter te protége en récompense! Mais, que
vois-je? Je ne vois point de Thisbé! Ô maudite muraille, au travers de
laquelle je ne vois point mon bonheur; maudites soient tes pierres, pour
me tromper ainsi!»

THÉSÉE.--La muraille, étant sensible, devrait, ce me semble, le maudire
à son tour.

PYRAME.--«Non, monsieur; en vérité, elle ne le doit pas.--_Me tromper
ainsi_, est la réclame du rôle de Thisbé: c'est à elle à paraître
maintenant, et je vais la chercher des yeux à travers la muraille. Vous
verrez que tout cela va arriver juste comme je vous l'ai dit. Tenez, la
voilà qui vient.»

THISBÉ.--«Ô muraille! tu as souvent entendu mes plaintes de ce que tu
séparais mon beau Pyrame et moi: mes lèvres vermeilles ont souvent baisé
tes pierres cimentées avec de la chaux et de la bourre!»

PYRAME.--«Je vois une voix; je veux m'approcher de la fente, pour voir
si je peux entendre le visage de ma Thisbé.--Thisbé!»

THISBÉ.--«Mon amant! Tu es mon amant, je crois.»

PYRAME.--«Crois ce que tu voudras; je suis ton cher amant, et je suis
toujours fidèle comme Liandre[41].»

[Note 41: Il y a, dans ce texte, Limandre. Liandre est le mot
consacré dans nos parades; le beau Liandre pour Léandre.]

THISBÉ.--«Et moi, comme Hélène, jusqu'à ce que les destins me tuent.»

PYRAME.--«Jamais Saphale[42] ne fut si fidèle à Procrus.»

[Note 42: Saphale pour Céphale, Procrus pour Procris.]

THISBÉ.--«Comme Saphale fut fidèle à Procrus, je le suis pour toi.»

PYRAME.--«Oh! donne-moi un baiser par le trou de cette odieuse
muraille.»

THISBÉ.--«Je baise le trou de la muraille, et point tes lèvres.»

PYRAME.--«Veux-tu venir tout à l'heure me rejoindre à la tombe de
Ninny?»

THISBÉ.--«À la vie ou à la mort, j'y vais sans délai.»

LA MURAILLE.--«Moi, muraille, me voilà à la fin de mon rôle; et, mon
rôle étant fini, c'est ainsi que la muraille s'en va.» (La Muraille,
Pyrame, Thisbé, sortent.)

THÉSÉE.--Maintenant la voilà donc à bas la muraille qui séparait les
deux voisins.

DÉMÉTRIUS.--Il n'y a pas de remède, mon prince, quand les murailles sont
si prestes à entendre sans en prévenir.

HIPPOLYTE.--Ceci est la plus sotte absurdité que j'aie jamais entendue.

THÉSÉE.--La meilleure de ces représentations n'est qu'une illusion, et
la pire de toutes ne sera pas pire, si l'imagination veut l'embellir.

HIPPOLYTE.--Il faut que ce soit votre imagination qui s'en charge alors
et non pas la leur.

THÉSÉE.--Si nous ne pensons pas plus d'eux qu'ils n'en pensent
eux-mêmes, ils peuvent passer pour d'excellents acteurs.--Voici deux
fameuses bêtes qui s'avancent, une lune et un lion.

(Entrent le Lion et le Clair-de-Lune.)

LE LION.--«Belles dames, vous dont le coeur timide frémit à la vue de
la plus petite souris qui court sur le plancher, vous pourriez ici
frissonner et trembler d'effroi lorsqu'un lion féroce vient à rugir dans
sa rage. Sachez donc que moi, Snug le menuisier, je ne suis ni un lion
féroce ni la femelle d'un lion; car si j'étais venu comme un lion irrité
dans ce lieu, ma vie courrait de grands dangers.»

THÉSÉE.--Une fort bonne bête, et d'une honnête conscience.

DÉMÉTRIUS.--La meilleure bête, pour une bête bête, que j'ai jamais vue,
mon prince.

LYSANDRE.--Ce lion est un vrai renard par la valeur.

THÉSÉE.--Cela est vrai; et un véritable oison par la prudence.

DÉMÉTRIUS.--Non pas, mon prince, car sa valeur ne peut emporter sa
prudence, et le renard emporte l'oison.

THÉSÉE.--Sa prudence, j'en suis sûr, ne peut emporter sa valeur; car
l'oison n'emporte pas le renard. C'est à merveille; laissez-le à sa
prudence, et écoutons la Lune.

LE CLAIR-DE-LUNE.--«Cette lanterne vous représente la lune et ses
cornes.»

DÉMÉTRIUS.--Il aurait dû porter les cornes sur sa tête.

THÉSÉE.--Ce n'est pas un croissant; et ses cornes sont invisibles dans
la circonférence.

LE CLAIR-DE-LUNE.--«Cette lanterne représente la lune et ses cornes; et
moi j'ai l'air d'être l'homme dans la lune[43].»

[Note 43: Ce personnage n'était pas nouveau. Shakspeare le tourne ici
en ridicule.]

THÉSÉE.--Cette erreur est la plus grande de toutes: l'homme devrait être
mis dans la lanterne; autrement, comment serait-il l'homme dans la lune?

DÉMÉTRIUS.--Il n'ose pas se fourrer là, à cause de la chandelle; car
vous voyez qu'elle flambe déjà.

HIPPOLYTE.--Je suis lasse de cette lune: je voudrais que la scène
changeât.

THÉSÉE.--Il paraît, à sa petite lueur de prudence, qu'il est dans le
décours. Mais cependant, par politesse et par raison, il faut attendre
le temps voulu.

LYSANDRE.--Poursuis, lune.

LE CLAIR-DE-LUNE.--«Tout ce qui me reste à vous dire, c'est de vous
déclarer que la lanterne est la lune; moi l'homme dans la lune; ce
buisson d'épines, mon buisson d'épines; et ce chien, mon chien.»

DÉMÉTRIUS.--Eh! mais, tout cela devrait être dans la lanterne; car ils
sont dans la lune. Mais, silence; voici Thisbé.

THISBÉ.--«Voici la tombe du vieux Ninny. Où est mon amant?»

LE LION.--«Hoh!» (Le Lion rugit, Thisbé s'enfuit.)

DÉMÉTRIUS.--Bien rugi, lion!

THÉSÉE.--Bien couru, Thisbé!

HIPPOLYTE.--Bien brillé, lune!--Vraiment, la lune luit de fort bonne
grâce.

(Le Lion déchire le manteau de Thisbé, et sort.)

THÉSÉE.--Bien mâché, lion!

DÉMÉTRIUS.--Et voilà Pyrame qui vient.

LYSANDRE.--Et la lune qui disparaît.

PYRAME.--«Douce lune, je te remercie de tes rayons solaires! Je te rends
grâces, lune, de ta clarté si brillante; car à la lumière de tes rayons
gracieux, dorés et brillants, je me promets de goûter la vue de la
très-fidèle Thisbé!»

    Mais, arrêtons, ô horreur!
    Mais, voyons: pauvre chevalier,
    Quel affreux objet s'offre ici?
    Mes yeux, voyez-vous?
    Comment cela peut-il être?
    Ô ma petite poule, ô ma chère!
    Ton beau manteau,
    Quoi donc, est-il teint de sang?
    Approchez, cruelles furies;
    Ô destin: venez, venez,
    Coupez fil et filasse:
  Écrasez, détruisez, égorgez, et finissez tout!

THÉSÉE.--Cette fureur et la mort d'un tendre amant seraient capables de
rendre un homme triste.

HIPPOLYTE.--J'en veux à mon coeur; mais j'ai pitié de lui.

PYRAME.--«Ô nature! pourquoi formas-tu des lions? Puisque cet infâme
lion a défloré ici ma chère maîtresse, qui est... non, non, qui était la
plus belle personne qui ait vécu, qui ait aimé, qui ait caressé, qui ait
regardé de ses beaux yeux.»

  Venez, larmes, confondez-vous,--
  À moi, mon épée, et blesse
  Le sein de Pyrame:
  Oui, le sein gauche
  Où palpite le coeur.
  Ainsi je meurs, je meurs, je meurs,
  Maintenant je suis mort,
  Maintenant je suis parti de ce monde;
  Mon âme est dans les cieux.
  Langue, perds ta lumière;
  Lune, prends la fuite;
  Et maintenant, meurs, meurs, meurs.
  Meurs, meurs.

(Il meurt. Le Clair-de-Lune sort.)

DÉMÉTRIUS.--Plus de dé pour lui si ce n'est l'as, car il n'est plus
qu'_un_[44].

[Note 44: «_Die_, mourir, et _die_, équivoque.» FARMER.]

LYSANDRE.--Il est moins qu'un as, ami, car il est mort; il n'est rien.

THÉSÉE.--Avec le secours d'un chirurgien, il pourrait en revenir encore
et se trouver un âne.

HIPPOLYTE.--Par quel hasard le Clair-de-Lune s'en est-il allé, avant que
Thisbé revienne et trouve son amant?

THÉSÉE.--Elle le trouvera à la clarté des étoiles.--La voici qui
s'avance, et sa douleur va finir la pièce.

(Thisbé paraît.)

HIPPOLYTE.--Il me semble qu'elle ne doit pas être fort longue, pour un
pareil Pyrame; j'espère qu'elle sera courte.

DÉMÉTRIUS.--Lequel de Pyrame ou de Thisbé vaut le mieux? Un atome ferait
pencher la balance.

LYSANDRE.--Elle l'a déjà aperçu avec ses beaux yeux.

DÉMÉTRIUS.--Et la voilà qui va gémir: vous allez entendre.

THISBÉ.

  Dors-tu, mon amant?
  Quoi! serais-tu mort, mon beau tourtereau?
  Ô Pyrame! lève-toi:
  Parle, parle-moi: tout à fait muet?
  Donc, mort, mort? Une tombe
  Doit donc couvrir tes yeux.
  Ce front de lis,
  Ce nez vermeil,
  Ces joues jaunes comme la primevère,
  Sont évanouis, sont évanouis.
  Amants, gémissez;
  Ses yeux étaient verts comme porreau.
  Ô vous, trio de soeurs,
  Venez, venez à moi.
  Avec vos mains pâles comme le lait,
  Teignez-les dans le sang,
  Puisque vous avez coupé
  De vos ciseaux son fil de soie.
  Langue, n'ajoute pas un mot;
  Viens, fidèle épée,
  Viens, lame tranchante, plonge-toi dans mon sein,
  Et adieu, mes amis.
  Ainsi finit Thisbé.
  Adieu, adieu, adieu.

(Elle meurt.)

THÉSÉE.--Le clair de lune et le lion sont restés pour enterrer les
morts.

DÉMÉTRIUS.--Oui, et la muraille aussi.

BOTTOM.--Non, je puis vous l'assurer. La muraille qui séparait leurs
pères est à bas.--Vous plaît-il de voir l'épilogue, ou d'entendre une
danse bergamasque[45], entre deux acteurs de notre troupe?

[Note 45: On sait que les danses bergamasques ont eu longtemps de la
réputation.]

THÉSÉE.--Point d'épilogue, je vous prie; car votre pièce n'a pas besoin
d'apologie: ne vous excusez-pas; car lorsque tous les acteurs sont
morts, il n'est pas besoin d'en blâmer aucun. Vraiment, si celui qui a
composé cette pièce avait joué le rôle de Pyrame, et qu'il se fût pendu
avec la jarretière de Thisbé, cela aurait fait une bien belle tragédie;
et c'en est une en vérité, et jouée avec distinction. Mais, voyons
notre bergamasque: laissez là votre épilogue. (_Une danse de paysans
bouffons._) La langue de fer de minuit a prononcé douze: amants, au lit;
c'est presque l'heure des fées. Je crains bien que nous ne dormions trop
tard le matin, comme nous avons veillé trop longtemps cette nuit.
Cette farce grossière nous a bien trompés sur la marche pesante de la
nuit.--Chers amis, allons à notre lit: en l'honneur de cette solennité,
nous passerons quinze jours entiers dans les fêtes nocturnes et des
divertissements nouveaux, et chaque jour amènera de nouveaux plaisirs,
pour célébrer cette fête. (Tous sortent.)


SCÈNE II

_Entre_ PUCK.


  Voici l'heure où le lion affamé rugit,
  Où le loup hurle à la lune,
  Tandis que le lourd laboureur ronfle
  Épuisé de sa pénible tâche.
  Maintenant les tisons consumés brillent dans le foyer;
  La chouette, poussant son cri sinistre,
  Rappelle aux malheureux, couchés dans les douleurs,
  Le souvenir d'un drap funèbre.
  Voici le temps de la nuit,
  Où les tombeaux, tous entr'ouverts,
  Laissent échapper chacun son spectre,
  Qui va errer dans les sentiers des cimetières.
  Et nous, fées, qui voltigeons
  Près du char de la triple Hécate,
  Fuyant la présence du soleil,
  Et suivant l'ombre comme un songe,
  Nous gambadons maintenant. Pas une souris
  Ne troublera cette maison sacrée.
  Je suis envoyé devant, avec un balai,
  Pour balayer la poussière derrière la porte[46].

[Note 46: La propreté est nécessaire pour attirer chez soi des fées
propices.]

(Entrent Oberon et Titania avec leur cour.)

OBERON.

    Qu'une faible lumière éclaire cette maison
    Par le moyen de ce feu mourant;
    Que tous les esprits et toutes les fées
  Sautent d'un pied léger, comme l'oiseau sur la branche.
    Répétez après moi ce couplet:
    Chantez et dansez rapidement à sa mesure.

TITANIA.

  D'abord, répétez ce couplet par coeur;
  Et à chaque mot une cadence;
  Les mains enlacées, avec la grâce des fées,
  Nous chanterons et nous bénirons cette demeure.

(Chant et danse[47].)

[Note 47: On prétend qu'il y a ici deux couplets perdus.]

OBERON.

  À présent, jusqu'à la pointe du jour,
  Que chaque fée erre dans ce palais.
  Nous irons au beau lit nuptial,
  Et il sera béni parmi nous;
  Et la lignée qui y sera engendrée
  Sera toujours heureuse.
  Ces trois couples d'amants
  Seront toujours sincères et fidèles,
  Et les taches de la main de la nature
  Ne se verront point sur leurs enfants.

  Jamais signe, bec de lièvre, cicatrice,
  Ou marque de sinistre augure, qui sont
  Si pénibles à voir au jour de la nativité,
  N'existeront pour leurs enfants.
  Fées, dispersez-vous;
  Qu'avec la rosée des champs
  Chacune voue chaque appartement
  De ce palais à la douce paix,
  Il subsistera toujours en sûreté,
  Et le maître en sera toujours béni.
    Allons, vite,
    Ne tardons plus
  Venez me rejoindre au point du jour.

(Oberon et Titania sortent avec leur cour.)

PUCK.

  Si nous, légers fantômes, nous avons déplu,
  Figurez-vous seulement (et tout sera réparé),
  Que vous avez fait ici un court sommeil,
  Tandis que ces visions erraient autour de vous.
  Seigneurs, ne blâmez point
  Ce faible et vain sujet,
  Et ne le prenez que pour un songe:
  Si vous faites grâce, nous corrigerons.
  Et comme je suis un honnête Puck,
  Si nous avons le bonheur immérité
  D'échapper cette fois à la langue du serpent[48],
  Nous ferons mieux avant peu,
  Ou tenez Puck pour un menteur.
  Ainsi; bonne nuit à tous.
  Prêtez-moi le secours de vos mains si nous sommes amis
  Et Robin vous dédommagera quelque jour.

(Il sort.)

[Note 48: Les sifflets.]


FIN DU CINQUIÈME ET DERNIER ACTE.
                
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