William Shakespear

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ESCALUS.--Un homme qui s'appliquait plus qu'à tout autre soin à se
connaître lui-même.

LE DUC.--A quels plaisirs était-il adonné?

ESCALUS.--Il avait plus de plaisir de voir les autres en joie qu'il
n'en trouvait lui-même à tout ce qui cherchait à le réjouir. Un homme
de toute tempérance! Mais laissons-le à ses aventures, en priant le
ciel qu'elles soient heureuses; et faites-moi le plaisir de m'apprendre
comment vous trouvez Claudio préparé. On m'a fait entendre que vous
l'aviez visité.

LE DUC.--Il déclare qu'il n'a point à se plaindre de son juge, qu'il
ne l'accuse point d'injustice, et qu'il se soumet avec une humble
résignation à l'arrêt de la justice. Cependant il s'était forgé, par une
inspiration de la faiblesse, plusieurs espérances trompeuses de vivre;
je suis venu à bout avec le temps de lui en faire sentir la vanité, et
maintenant il est résigné à mourir.

ESCALUS.--Vous vous êtes acquitté de vos voeux envers le ciel, et envers
le prisonnier de la dette de votre ministère. J'ai sollicité pour ce
pauvre gentilhomme jusqu'à l'extrême limite de la discrétion; mais j'ai
trouvé mon collègue de justice si sévère, qu'il m'a forcé de lui dire
qu'il était en effet la justice elle-même[26].

[Note 26: _Summum jus, summa injuria._]

LE DUC.--Si sa propre conduite répond à la rigueur de ses jugements, il
n'y a rien à lui reprocher; mais s'il lui arrive de succomber, il s'est
condamné lui-même.

ESCALUS.--Je vais visiter le prisonnier. Adieu.

LE DUC.--La paix soit avec vous! (_Escalus sort avec le prévôt de la
prison._) Celui qui veut tenir le glaive du ciel, doit être aussi saint
que sévère; se sentir lui-même un modèle; posséder la force de résister
et la vertu d'avancer, ne punissant plus ou moins les autres que d'après
le poids de ses propres fautes. Honte à celui dont le glaive cruel tue
pour des fautes où l'entraîne son propre penchant! Six fois honte à
Angelo qui veut déraciner mes vices et laisser croître les siens! O
quelles noirceurs l'homme peut cacher en lui-même, quoiqu'il paraisse un
ange à l'extérieur! Comme l'hypocrite vivant dans le crime, abusant tout
le monde, attire à lui, avec de fragiles fils d'araignée, des choses
substantielles et de poids! Il faut que j'oppose la ruse au vice. Ce
soir, Angelo recevra dans son lit son ancienne fiancée qu'il méprise;
c'est ainsi qu'un trompeur sera pris par son propre déguisement, ne
recevra que tromperies pour prix des siennes, et sera forcé de remplir
un ancien contrat[27].

[Note 27: Cette tirade est en vers rimés.]

FIN DU TROISIÈME ACTE.




                           ACTE QUATRIÈME


SCÈNE I

Appartement dans la ferme où habite Marianne.

MARIANNE _assise_, UN JEUNE GARÇON _chantant_.


  CHANSON.

  Écarte, oh! écarte ces lèvres
  Ces lèvres si douces et si parjures;
  Et ces yeux brillants comme le point du jour,
  Flambeaux qui égarent l'aurore.
  Mais rends-moi mes baisers,
    Rends-les-moi
  Ces sceaux d'amour, scellés en vain,
    Scellés en vain.

MARIANNE.--Interromps tes chants, et hâte-toi de te retirer. Voici venir
un homme de consolation dont les avis ont souvent calmé les murmures
de ma douleur. (_L'enfant sort; le duc entre._) Je vous demande pardon,
monsieur, et je voudrais bien que vous ne m'eussiez pas trouvée si en
train de musique. Excusez-moi, et croyez-m'en, ces chants adoucissaient
mes chagrins; mais ils sont loin de m'inspirer de la joie.

LE DUC.--C'est bien, quoique la musique ait souvent la puissance de
faire du mal un bien, et d'exciter le bien au mal.--Je vous prie,
dites-moi: quelqu'un est-il venu me demander aujourd'hui? A peu près à
cette heure-ci, j'ai promis de me trouver ici.

MARIANNE.--Personne n'est venu vous demander; je suis restée ici tout le
jour.

(Entre Isabelle.)

LE DUC, _à Marianne_.--Je vous crois sans hésiter. L'heure est venue;
c'est justement à présent. Je vous demanderai de vous absenter un peu.
Il se pourrait bien que je vous rappelasse bientôt pour quelque chose
qui vous sera avantageux.

MARIANNE.--Je vous suis toujours dévouée.

(Elle sort.)

LE DUC.--Nous nous rencontrons fort à propos, et vous êtes la bienvenue.
Quelles nouvelles de ce digne ministre?

ISABELLE.--Il a un jardin entouré d'un mur de briques, dont le côté
du couchant est flanqué d'un vignoble; à ce vignoble est une porte en
planches qu'ouvre cette grosse clef; cette autre ouvre une petite porte,
qui, du vignoble, conduit au jardin; c'est là que je lui ai promis
d'aller le trouver au milieu de la nuit.

LE DUC.--Mais, en savez-vous assez pour trouver votre chemin?

ISABELLE.--J'ai pris avec soin tous les renseignements nécessaires,
et par deux fois il m'a montré le chemin avec un soin coupable, en me
parlant à l'oreille et par des gestes significatifs.

LE DUC.--N'y a-t-il point d'autres gages convenus entre vous qu'il
faille observer?

ISABELLE.--Non, point d'autres: seulement un rendez-vous dans les
ténèbres; et je lui ai bien fait entendre que mon tête-à-tête avec lui
ne pouvait être que bien court; car je lui ai déclaré que je serais
accompagnée d'un domestique, qui m'attendrait, et qui était persuadé que
je venais pour les affaires de mon frère.

LE DUC.--Tout est bien arrangé; je n'ai pas encore dit un mot de tout
cela à Marianne.--(_Il l'appelle._) Êtes-vous là? Venez. (_Rentre
Marianne._) Je vous en prie, faites connaissance avec cette jeune
personne; elle vient pour vous faire du bien.

ISABELLE.--Je le désire pour elle.

LE DUC, _à Marianne_.--Êtes-vous persuadée que je m'intéresse à vous?

MARIANNE.--Bon religieux, je le sais, et j'en ai reçu des preuves.

LE DUC.--Prenez-donc votre compagne par la main; elle a une confidence
à vous faire. J'attendrai votre loisir; mais hâtez-vous: l'humide nuit
s'approche.

MARIANNE, _à Isabelle_.--Voulez-vous faire un tour de promenade à
l'écart?

(Elles sortent toutes deux.)

LE DUC _seul_.--O dignité! O grandeur! Des millions d'yeux perfides sont
attachés sur toi! Des volumes de rapports, composés de récits faux
et contradictoires, courent le monde sur tes actions! Mille esprits
inquiets te prennent pour l'objet de leurs rêves insensés, et te
tourmentent dans leur imagination! (_Marianne et Isabelle rentrent._)
Soyez les bienvenues. Hé bien, êtes-vous d'accord?

ISABELLE.--Elle se chargera de l'entreprise, mon père, si vous le lui
conseillez.

LE DUC.--Non-seulement je le lui conseille, mais je le lui demande.

ISABELLE, _à Marianne_.--Vous n'avez que très-peu de choses à lui dire;
quand vous le quitterez, dites-lui simplement, à voix basse: _A présent,
souvenez-vous de mon frère._

MARIANNE.--Reposez-vous sur moi.

LE DUC.--Et vous, ma chère fille, n'ayez aucun scrupule; il est votre
mari par un contrat; il n'y a aucun péché à vous réunir ainsi; et la
justice de vos droits sur lui absout cette tromperie. Allons, partons:
notre blé sera bientôt à moissonner, et nous avons encore la terre à
ensemencer.

(Ils sortent.)


SCÈNE II

Salle de la prison.

_Entrent_ LE PRÉVÔT ET LE BOUFFON.


LE PRÉVÔT.--Viens ici, coquin.--Peux-tu trancher la tête d'un homme?

LE BOUFFON.--Si l'homme est garçon, je le peux, monsieur; mais si c'est
un homme marié, il est le chef[28] de sa femme, et je ne pourrais jamais
trancher le chef d'une femme.

[Note 28: _Head_, tête, chef.]

LE PRÉVÔT.--Allons, laissez là vos équivoques, et faites-moi une réponse
directe. Demain matin, Claudio et Bernardino doivent être exécutés. Nous
avons ici, dans notre prison, l'exécuteur ordinaire, qui a besoin d'un
aide dans son office. Si vous voulez prendre sur vous de le seconder,
cela vous rachètera de vos fers; sinon, vous ferez tout votre temps de
prison et vous n'en sortirez qu'après avoir été impitoyablement fouetté;
car vous avez été un entremetteur affiché.

LE BOUFFON.--Monsieur, j'ai été, de temps immémorial, un entremetteur
illégitime: mais, pourtant, je serai satisfait de devenir un bourreau
légitime. Je serais bien aise de recevoir quelques instructions de mon
collègue.

LE PRÉVÔT.--Holà, Abhorson! Où est Abhorson? Êtes-vous là?

(Entre Abhorson.)

ABHORSON.--Appelez-vous, monsieur?

LE PRÉVÔT.--Maraud, voici un homme qui vous aidera dans votre exécution
de demain: si vous le jugez à propos, arrangez-vous avec lui à l'année,
et qu'il loge ici dans la prison; sinon, servez-vous de lui dans la
circonstance présente, et renvoyez-le; il ne peut pas faire le renchéri
avec vous: il a été entremetteur.

ABHORSON.--Un entremetteur, monsieur! Fi donc! il discréditera nos
mystères.

LE PRÉVÔT.--Allez, vous vous valez bien; une plume ferait pencher la
balance entre vous deux.

(Il sort.)

LE BOUFFON.--Je vous prie, monsieur, par votre bonne grâce (car sûrement
vous avez bonne grâce, si ce n'est que vous avez une mine de pendaison),
est-ce que vous appelez, monsieur, votre occupation un mystère?

ABHORSON.--Oui, monsieur, un mystère.

LE BOUFFON.--La peinture, monsieur, à ce que j'ai ouï dire, est un
mystère, et vos filles prostituées, monsieur, étant des parties de
mon ministère, l'usage de la peinture prouve que mon occupation est
un mystère; mais quel mystère peut-il y avoir à pendre? c'est ce que,
dussé-je être pendu, je ne peux m'imaginer.

ABHORSON.--Monsieur, c'est un mystère.

LE BOUFFON.--La preuve?

ABHORSON.--La dépouille de tout honnête homme convient au voleur: si
elle paraît trop petite au voleur, l'honnête homme la croit assez grande
pour lui; et, si elle est trop grande pour un voleur, le voleur pourtant
la croit assez petite pour lui: car la dépouille de tout honnête homme
va au voleur.

(Le prévôt rentre.)

LE PRÉVÔT.--Êtes-vous arrangés?

LE BOUFFON.--Monsieur, je veux bien le servir; car je trouve que votre
bourreau fait un métier plus pénitent que votre entremetteur.

LE PRÉVÔT, _au bourreau_.--Vous, coquin, préparez le billot et votre
hache, pour demain quatre heures.

ABHORSON, _au bouffon_.--Allons, entremetteur, je vais t'instruire dans
mon métier; suis-moi.

LE BOUFFON.--J'ai bonne envie d'apprendre, monsieur, et j'espère que
si vous avez occasion de m'employer à votre service, vous me trouverez
adroit; car, en bonne foi, monsieur, je vous dois, pour prix de vos
bontés, de vous bien servir. (Il sort.)

LE PRÉVÔT.--Faites venir ici Bernardino et Claudio; l'un a toute ma
pitié; je n'en ai pas un grain pour l'autre qui est un assassin...
fût-il mon frère. _(Entre Claudio.)_ Voyez, Claudio: voici l'ordre pour
votre mort. Il est à présent minuit sonné; et demain, à huit heures du
matin, vous serez fait immortel. Où est Bernardino?

CLAUDIO.--Plongé dans un sommeil aussi profond que l'innocente fatigue
quand elle dort dans les membres roidis du voyageur, et il ne veut pas
s'éveiller.

LE PRÉVÔT.--Quel moyen de lui faire du bien?--Allons, allez-vous
préparer.--Mais écoutons; quel est ce bruit? (_On frappe aux portes._)
Que le ciel vous donne ses consolations. (_Claudio sort._)--Tout à
l'heure.--J'espère que c'est quelque grâce, ou quelque sursis pour
l'aimable Claudio. (_Entre le duc._) Salut, bon père.

LE DUC.--Que les meilleurs anges de la nuit vous environnent, honnête
prévôt! Qui est venu ici dernièrement?

LE PRÉVÔT.--Personne, depuis l'heure du couvre-feu.

LE DUC.--Isabelle n'est pas venue?

LE PRÉVÔT.--Non.

LE DUC.--Alors, elles vont venir sous peu.

LE PRÉVÔT.--Quelle consolation y a-t-il pour Claudio?

LE DUC.--On en espère un peu.

LE PRÉVÔT.--Ce ministre est bien dur.

LE DUC.--Non pas, non pas: sa vie marche parallèlement avec la ligne de
son exacte justice; par une sainte abstinence, il dompte en lui-même
le penchant vicieux, qu'il emploie tout son pouvoir à corriger dans
les autres. S'il était souillé du vice qu'il châtie, il serait alors un
tyran; mais, étant ce qu'il est, il n'est que juste.--(_On frappe._) Les
voilà venues. (_Le prévôt sort._)--C'est un prévôt bien humain; il est
bien rare de trouver dans un geôlier endurci un ami des hommes.--Eh
bien, quel est ce bruit? L'esprit qui offense de ces terribles coups
l'insensible poterne est possédé d'une bien grande hâte.

LE PRÉVÔT _rentre parlant à quelqu'un à la porte_.--Il faut qu'il reste
là, jusqu'à ce que l'officier se lève pour le faire entrer: on vient de
l'appeler.

LE DUC.--N'avez-vous point encore de contre-ordre pour Claudio? faut-il
qu'il meure demain?

LE PRÉVÔT.--Aucun, monsieur, aucun.

LE DUC.--Prévôt, le point du jour est bien près; eh bien, vous aurez des
nouvelles avant le matin.

LE PRÉVÔT.--Heureusement, vous savez quelque chose, et cependant je
crois qu'il ne viendra pas de contre-ordre; nous n'avons point d'exemple
pareil. D'ailleurs, le seigneur Angelo, sur le siége même de son
tribunal, a déclaré le contraire au public.

(Entre un messager.)

LE DUC.--C'est le valet de Sa Seigneurie.

LE PRÉVÔT.--Et voilà la grâce de Claudio.

LE MESSAGER.--Mon maître vous envoie ces ordres; et il m'a de plus
chargé de vous dire que vous ayez à ne pas vous écarter le moins du
monde de ce qu'il vous prescrit, ni pour le temps, ni pour l'objet, ni
pour toute autre circonstance. Bonjour; car à ce que je présume il est
presque jour.

LE PRÉVÔT.--J'obéirai à ses ordres.

(Le messager sort.)

LE DUC, _à part_.--C'est la grâce de Claudio, achetée par le crime même,
pour lequel on devrait punir celui qui en accorde le pardon. Le crime
se propage rapidement quand il naît dans le sein de l'autorité: quand
le vice fait grâce, le pardon s'étend si loin, que pour l'amour de la
faute, le coupable trouve des amis.--Eh bien, prévôt, quelles nouvelles?

LE PRÉVÔT.--Je vous l'ai bien dit: le seigneur Angelo, probablement,
me croyant négligent dans mon devoir, me réveille par cette exhortation
inaccoutumée, et selon moi fort étrange, car il ne l'avait jamais faite
auparavant.

LE DUC.--Lisez, je vous écoute.

LE PRÉVÔT.(_Il lit la lettre._)--«Quoique que vous puissiez entendre de
contraire, que Claudio soit exécuté à quatre heures, et Bernardino dans
l'après-midi; et pour ma plus grande satisfaction, ayez à m'envoyer la
tête de Claudio à cinq heures. Que ceci soit ponctuellement exécuté; et
sachez que cela importe plus que je ne dois encore vous le dire: ainsi,
ne manquez pas à votre devoir; vous en répondrez sur votre tête.»

--Que dites-vous à cela, monsieur?

LE DUC.--Qu'est-ce que c'est que ce Bernardino qui doit être exécuté
dans l'après-dînée?

LE PRÉVÔT.--Un Bohémien de naissance, mais qui a été nourri et élevé
ici; c'est un prisonnier de neuf ans[29].

[Note 29: Il y a neuf ans qu'il est en prison.]

LE DUC.--Comment se fait-il que le duc absent ne lui ait pas rendu sa
liberté, ou ne l'ait pas fait exécuter? J'ai ouï dire que tel était son
usage.

LE PRÉVÔT.--Les amis du prisonnier ont toujours si bien agi qu'ils ont
obtenu des sursis pour lui; et dans le fait, jusqu'au temps du ministère
actuel du seigneur Angelo, son affaire n'avait pas de preuves certaines.

LE DUC.--Et sont-elles claires à présent?

LE PRÉVÔT.--Très-manifestes, et il ne les nie pas lui-même.

LE DUC.--A-t-il montré dans la prison quelque repentir? Paraît-il
touché?

LE PRÉVÔT.--C'est un homme qui n'a pas de la mort une idée plus terrible
que d'un sommeil d'ivresse; sans souci, indifférent, et ne s'effrayant
ni du passé, ni du présent, ni de l'avenir; insensible à l'idée de
mourir, et qui mourra en désespéré.

LE DUC.--Il a besoin de conseils.

LE PRÉVÔT.--Il n'en veut écouter aucun; il a toujours eu la plus grande
liberté dans la prison. Vous lui donneriez les moyens de s'en évader,
qu'il n'en voudrait rien faire. Il est ivre plusieurs fois par jour,
lorsqu'il n'est pas ivre pendant plusieurs jours entiers. Nous l'avons
souvent réveillé comme pour le conduire à l'échafaud; nous lui avons
montré un ordre contrefait: cela ne l'a pas ému le moins du monde.

LE DUC.--Nous reparlerons de lui tout à l'heure.--Prévôt, l'honnêteté et
la fermeté d'âme sont écrites sur votre front: si je n'y lis pas votre
vrai caractère, mon ancienne habileté me trompe bien; mais dans la
confiance de ma sagacité, je veux m'exposer au risque. Claudio, que vous
avez là l'ordre de faire exécuter, n'a pas plus prévariqué contre
la loi, qu'Angelo même qui l'a condamné. Pour vous faire entendre
clairement ce que je vous avance là, je ne demande que quatre jours
de délai; et pour cela, il faut que vous m'accordiez aujourd'hui une
complaisance dangereuse.

LE PRÉVÔT.--Eh! laquelle, bon religieux, je vous prie?

LE DUC.--Celle de différer l'exécution.

LE PRÉVÔT.--Hélas! comment puis-je le faire, ayant l'heure fixée, et un
ordre exprès, sous peine d'en répondre moi-même, de présenter sa tête à
la vue d'Angelo? Je pourrais bien me mettre dans le cas où est Claudio,
si je manquais en quoi que ce soit à ces ordres.

LE DUC.--Par le voeu de mon ordre je suis votre caution, si vous voulez
suivre mes instructions. Qu'on exécute ce Bernardino ce matin, et qu'on
porte sa tête à Angelo.

LE PRÉVÔT.--Angelo les a vus tous deux, et il reconnaîtra les traits.

LE DUC.--Oh! la mort s'entend à déguiser, et vous pouvez l'aider. Rasez
la tête et liez la barbe, et dites que le désir du pénitent a été d'être
ainsi rasé avant sa mort: vous savez que cela arrive souvent. S'il vous
revient autre chose de ceci que des remerciements et votre fortune,
je jure, par le saint que je révère pour patron, que je vous défendrai
moi-même au péril de ma vie.

LE PRÉVÔT.--Pardonnez, bon père; mais cela est contre mon serment.

LE DUC.--Est-ce au duc ou au ministre que vous avez fait votre serment?

LE PRÉVÔT.--Au duc et à ses représentants.

LE DUC.--Penserez-vous que vous n'avez commis aucune offense, si le duc
certifie la justice de votre conduite?

LE PRÉVÔT.--Mais quelle vraisemblance y a-t-il de cela?

LE DUC.--Non pas seulement de la vraisemblance, mais la certitude.
Cependant, puisque je vous vois si timide que ni ma robe, ni mon
intégrité, ni mes raisons ne peuvent réussir à vous ébranler, j'irai
plus loin que je n'avais l'intention de le faire, pour vous enlever
toute crainte. Voyez, monsieur, voici la main et le sceau du duc: vous
connaissez son écriture, je n'en doute pas, et le cachet ne vous est pas
étranger.

LE PRÉVÔT.--Je les reconnais tous deux.

LE DUC.--Le contenu de cet écrit, c'est l'annonce du retour du duc: vous
le lirez tout à l'heure à votre loisir, et vous y verrez qu'avant deux
jours il sera ici. C'est une chose qu'Angelo ne sait pas; car il
reçoit aujourd'hui même des lettres qui contiennent d'étranges choses:
peut-être lui annoncent-elles la mort du duc; peut-être son entrée dans
quelque monastère; mais il peut n'être rien de ce qui est écrit ici.
Regardez: l'étoile du matin appelle le berger; ne vous confondez point
en étonnement sur la manière dont ces choses peuvent se faire; toutes
les difficultés sont faciles à résoudre quand on les connaît. Appelez
votre exécuteur, et qu'il fasse sauter la tête de ce Bernardino; je vais
le confesser à l'instant, et le préparer pour un séjour meilleur. Vous
restez toujours dans l'étonnement; mais cet écrit achèvera de vous
déterminer. Sortons; il est presque tout à fait jour.

(Ils sortent.)


SCÈNE III

LE BOUFFON _seul_.


LE BOUFFON _seul_.--Je suis ici aussi riche en connaissances que je
l'étais dans notre maison de profession. On se croirait dans la maison
de madame Overdone, tant on retrouve ici de ses anciens chalands.
D'abord, il y a le jeune monsieur Rash; il est en prison pour
une affaire de papier gris et de vieux gingembre, montant à
quatre-vingt-dix-sept livres, dont il a fait cinq marcs argent comptant.
Vraiment alors le gingembre n'était pas fort recherché, car toutes les
vieilles femmes étaient mortes.--Il y a encore un monsieur Caper, à la
requête de monsieur Troispoids, mercier, pour quatre certains habits de
satin couleur de pêche, qui vous l'ont réduit maintenant à l'habit d'un
mendiant. Nous avons aussi le jeune Dizi, et le jeune monsieur Deep-Vow,
et monsieur Copper-Spur, et monsieur Starve-Lackey, homme d'estoc et de
taille, et le jeune Drop-Heir, qui a tué le robuste Pudding, et
monsieur Fort-Right, le jouteur, et le brave monsieur Shoe-Tie, le grand
voyageur, et le féroce Half-Can, qui a poignardé Pots, et, je crois,
quarante autres, tous grandes pratiques de notre métier, et qui sont
maintenant ici pour l'amour du Seigneur[30].

[Note 30: Trait contre les puritains.]

(Entre Abhorson.)

ABHORSON.--Maraud, amène Bernardino ici.

LE BOUFFON, _appelant_.--Monsieur Bernardino! il faut vous lever pour
être pendu, monsieur Bernardino!

ABHORSON.--Allons, debout, Bernardino!

BERNARDINO, _du dedans_.--La peste vous étouffe! qui donc fait ce
vacarme ici? Qui êtes-vous?

LE BOUFFON.--Vos amis, monsieur, le bourreau. Il faut que vous ayez la
complaisance, monsieur, de vous lever et de vous laisser exécuter.

BERNARDINO, _en dedans_.--Au diable, coquin! au diable! j'ai sommeil.

ABHORSON.--Dis-lui qu'il faut qu'il s'éveille, et cela promptement.

LE BOUFFON.--Je vous en prie, monsieur Bernardino, restez éveillé
jusqu'à ce que vous soyez exécuté, et dormez après.

ABHORSON.--Entre dans son cachot, et fais-l'en sortir.

LE BOUFFON.--Il vient, monsieur, il vient; j'entends craquer sa paille.

(Entre Bernardino.)

ABHORSON, _au bouffon_.--La hache est-elle sur le billot, drôle?

LE BOUFFON.--Toute prête, monsieur.

BERNARDINO.--Hé bien! qu'est-ce qu'il y a, Abhorson? Quelles nouvelles
avez-vous à me dire?

ABHORSON.--Franchement, monsieur, je voudrais que vous vous missiez
promptement à vos prières; car, voyez, l'ordre est venu.

BERNARDINO.--Allons, coquin; j'ai passé toute la nuit à boire: je ne
suis pas en état...

LE BOUFFON.--Oh! tant mieux, monsieur; car celui qui boit toute la nuit,
et qui est pendu de bon matin, n'en dort que mieux tout le jour.

(Entre le duc.)

ABHORSON.--Tenez, voyez-vous, voilà votre père spirituel qui vient.
Plaisantons-nous maintenant? Qu'en pensez-vous?

LE DUC, _à Bernardino_.--Mon ami, excité par ma charité, et apprenant
combien vous êtes près de quitter ce monde, je suis venu pour vous
exhorter, vous consoler et prier avec vous.

BERNARDINO.--Non pas, moine, j'ai bu dru toute la nuit, et l'on me
donnera plus de temps pour me préparer, ou il faudra qu'on me casse la
tête à coup de bûche; je ne veux pas consentir à mourir aujourd'hui,
cela est sûr.

LE DUC.--Oh! mon ami, il le faut; ainsi, je vous en conjure, jetez vos
regards sur le voyage que vous allez faire.

BERNARDINO.--Je jure que nul homme au monde ne viendra à bout de me
persuader de mourir aujourd'hui.

LE DUC.--Mais, écoutez-moi...

BERNARDINO.--Pas un mot: si vous avez quelque chose à me dire, venez à
mon cachot, car je n'en sors pas de la journée.

(Il s'en va.)

(Entre le prévôt.)

LE DUC.--Également impropre à vivre et à mourir! O coeur de pierre!

LE PRÉVÔT.--Hé bien! mon père, comment trouvez-vous le prisonnier?--(_A
Abhorson et au bouffon._)--Suivez-le, mes amis: conduisez-le au billot.

LE DUC.--C'est une créature qui n'est pas préparée. Il n'est pas disposé
pour mourir, et le faire passer de vie à trépas dans l'état où est son
âme, ce serait le damner.

LE PRÉVÔT.--Il est mort ce matin, ici, dans la prison, mon père, un
Ragusain, un infâme pirate, d'une fièvre violente: cet homme est de
l'âge de Claudio; il a la barbe et les cheveux précisément de la couleur
des siens. Si nous laissions-là cet autre réprouvé jusqu'à ce qu'il fût
bien disposé, et si on satisfaisait le ministre au moyen de la tête
de ce Ragusain, qui est l'homme qui ressemble le plus à Claudio? Qu'en
dites-vous?

LE DUC.--Oh! c'est un accident que le ciel a préparé. Dépêchez-la sans
délai: l'heure fixée par Angelo est proche, voyez à ce que cela soit
fait, et envoyez-lui cette tête suivant ses ordres; tandis que moi, je
vais exhorter ce brutal malheureux à se résigner à la mort.

LE PRÉVÔT.--Cela sera fait, mon bon père, dans l'instant même. Mais il
faut que Bernardino meure cette après-midi; et comment prolongerons-nous
l'existence de Claudio, de façon à me garantir du malheur qui pourrait
m'arriver, si l'on s'apercevait qu'il est vivant?

LE DUC.--Faites ceci: Mettez Bernardino et Claudio dans des recoins
secrets; avant que le soleil ait été saluer deux fois la génération qui
habite sous nos pieds, vous trouverez votre sûreté bien manifeste.

LE PRÉVÔT.--Je me repose en tout sur vous.

LE DUC.--Vite, dépêchez, et envoyez la tête à Angelo. (_Le prévôt
sort_.)--Maintenant je vais écrire une lettre à Angelo; ce sera le
prévôt qui la portera.--Le contenu lui attestera que j'approche de
mes États, et que, par de graves motifs, je suis tenu de rentrer
publiquement; je lui demanderai de venir à ma rencontre à la fontaine
sacrée, à une lieue au-dessous de la ville. Et à partir de là nous
procéderons avec Angelo, avec une froide gradation et des formes bien
combinées, et toutes les pratiques régulières.

(Le prévôt revient.)

LE PRÉVÔT.--Voici la tête: je veux la porter moi-même.

LE DUC.--Cela est à propos: revenez promptement; car je voudrais causer
avec vous de certaines choses qui ne doivent être confiées qu'à vous.

LE PRÉVÔT.--Je vais faire toute diligence.

(Il sort.)

ISABELLE, _en dedans_.--La paix soit ici! holà, quelqu'un!

LE DUC.--C'est la voix d'Isabelle.--Elle vient savoir si la grâce de
son frère a déjà été envoyée ici; mais je veux lui laisser ignorer son
bonheur, pour lui offrir les consolations du ciel dans son désespoir, au
moment où elle les attendra le moins.

(Entre Isabelle.)

ISABELLE.--Ah! avec votre permission...

LE DUC.--Bonjour, belle et aimable fille.

ISABELLE.--D'autant meilleur pour m'être souhaité par un si saint homme.
Le ministre a-t-il envoyé le pardon de mon frère?

LE DUC.--Il l'a élargi de ce monde, Isabelle; sa tête est tranchée, et
envoyée à Angelo.

ISABELLE.--Non, cela n'est pas.

LE DUC.--Cela est comme je vous le dis: montrez votre sagesse, ma fille,
dans votre paisible patience.

ISABELLE.--Oh! je vais le trouver, et lui arracher les yeux.

LE DUC.--Vous ne serez pas admise en sa présence.

ISABELLE.--Infortuné Claudio! Malheureuse Isabelle! Odieux monde!
Infernal Angelo!

LE DUC.--Ces imprécations ne lui font aucun mal, et ne vous font pas
le moindre bien; abstenez-vous en donc; remettez votre cause au ciel.
Faites attention à ce que je vous dis, et vous trouverez que chaque
syllabe est l'exacte vérité.--Le duc revient demain matin.--Allons,
séchez vos yeux; c'est un père de notre couvent, son confesseur, qui
m'apprend cette nouvelle, et il en a déjà porté l'avis à Escalus et à
Angelo qui se préparent à venir au-devant de lui aux portes de la ville,
pour lui remettre leur autorité. Si vous le pouvez, conduisez votre
sagesse dans le bon sentier où je voudrais la voir marcher; et vous
obtiendrez le désir de votre coeur sur ce misérable, la faveur du duc,
et l'estime générale.

ISABELLE.--Je me laisse gouverner par vos conseils.

LE DUC.--- Allez donc porter cette lettre au frère Pierre, c'est la
lettre où il m'avertit du retour du duc; dites-lui, sur ce gage, que je
désire sa compagnie ce soir dans la maison de Marianne; je l'instruirai
à fond de son affaire et de la vôtre, il vous présentera au duc, il
accusera Angelo en face, et le confondra. Quant à moi, pauvre religieux,
je suis lié par un voeu sacré, et je serai absent. Allez avec cette
lettre, consolez votre coeur, commandez à ces torrents de larmes qui
coulent de vos yeux. Ne vous fiez jamais à mon saint ordre, si je vous
égare du droit chemin.--Qui vient là?

(Entre Lucio.)

LUCIO.--Bonsoir. Frère, où est le prévôt?

LE DUC.--Il n'est pas dans la prison, monsieur.

LUCIO.--O gentille Isabelle! Mon coeur pâlit de voir tes yeux si rouges;
il faut que tu prennes patience; j'ai bien l'air de dîner et de souper
dorénavant avec du son et de l'eau; je n'oserai plus, pour sauver ma
tête, remplir mon estomac. Un repas un peu succulent me mènerait au
même point; mais on dit que le duc sera ici demain matin. Sur ma foi,
Isabelle, j'aimais ton frère. Si notre vieux duc de joyeuse humeur et
ami des coins obscurs avait été chez lui, Claudio vivrait encore.

(Isabelle sort.)

LE DUC.--Monsieur, le duc a vraiment bien peu d'obligation à vos
rapports; mais ce qu'il y a de bon, c'est que sa réputation n'en dépend
pas.

LUCIO.--Frère, tu ne connais pas le duc aussi bien que moi; c'est un
meilleur chasseur que tu ne l'imagines.

LE DUC.--Allons, vous répondrez un jour de tout ceci. Portez-vous bien.

LUCIO.--Non, reste: je veux t'accompagner; je puis t'accompagner; je
puis te raconter de jolies histoires du duc.

LE DUC.--Vous ne m'en avez déjà que trop dit, monsieur, si elles sont
vraies; si elles ne le sont pas, jamais vous n'en direz assez.

LUCIO.--J'ai comparu devant lui une fois pour avoir donné un enfant à
une fille.

LE DUC.--Avez-vous fait pareille chose?

LUCIO.--Oui, d'honneur, je l'ai fait; mais il a bien fallu jurer que
non; autrement ils m'auraient marié au bois pourri.

LE DUC.--Monsieur, votre compagnie est plus agréable qu'honnête: restez
en paix.

LUCIO.--Sur ma foi, je vous accompagnerai jusqu'au bout de la rue; si un
propos libertin vous offense, nous n'en aurons pas long à dire ensemble.
Allons, frère, je suis une espèce de glouteron, je m'attacherai à toi.

(Ils sortent.)


SCÈNE IV

Salle dans la maison d'Angelo.

_Entrent_ ESCALUS et ANGELO.


ESCALUS.--Chaque lettre qu'il a écrite a désavoué l'autre.

ANGELO.--De la manière la plus contradictoire et la plus bizarre. Ses
actions témoignent quelque chose qui tient beaucoup de la folie;
prions le ciel que sa sagesse n'en soit pas altérée. Et pourquoi aller
au-devant de lui aux portes de la ville, et lui remettre là notre
autorité?

ESCALUS.--Je n'en devine pas le motif.

ANGELO.--Et pourquoi veut-il que nous fassions publier, une heure avant
son entrée, que si quelqu'un demande réparation de quelque injustice, il
ait à présenter sa pétition dans la rue?

ESCALUS.--En cela il se montre judicieux; c'est pour expédier toutes les
plaintes, et nous affranchir pour toujours des intrigues, qui, ce jour
passé, ne pourront plus être tramées contre nous.

ANGELO.--Fort bien. Je vous en prie, faites-le proclamer; demain, de
grand matin, j'irai vous trouver à votre maison. Faites avertir les
personnes de distinction qui doivent aller à sa rencontre.

ESCALUS.--Je le ferai, monsieur. Adieu.

(Escalus sort.)

ANGELO.--Bonne nuit! Cette action me bouleverse tout à fait, me rend
incapable de penser, et stupide pour toute affaire. Une vierge déflorée!
et cela par un personnage important qui appliquait la loi portée contre
ce délit! Si ce n'était que sa timide pudeur n'osera proclamer sa
virginité perdue, comme elle pourrait parler de moi! mais la raison ne
l'excite-t-elle pas à m'accuser?--Non, car mon autorité porte un poids
de crédit qu'aucune accusation particulière ne peut toucher sans qu'il
écrase celui qui oserait la prononcer.... Il aurait vécu, si ce n'est
que sa jeunesse libertine, conservant un ressentiment dangereux,
aurait pu quelque jour chercher à se venger d'avoir ainsi reçu une vie
déshonorée pour une rançon aussi honteuse; et cependant, plût au ciel
qu'il vécût encore! Hélas! quand une fois nous avons perdu la grâce,
rien ne va bien: nous voulons, et nous ne voulons pas.

(Il sort.)


SCÈNE V[31]

La plaine, hors de la ville.

LE DUC, _revêtu de ses propres habits, et le frère_ PIERRE.

[Note 31: Certaines personnes font de cette scène la première de l'acte
V.]


LE DUC.--Remettez-moi ces lettres au moment convenable. (_Il lui donne
des lettres._) Le prévôt est instruit de nos vues et de notre projet:
l'affaire une fois commencée, suivez vos instructions, et tendez
constamment à notre but particulier, quoique vous ayiez l'air de vous
en écarter pour ceci ou pour cela, selon que les circonstances le
conseilleront. Partez, allez chez Flavius, et dites-lui où je suis:
instruisez-en également Valentin, Rowland et Crassus; et dites leur
d'envoyer des trompettes à la porte de la ville. Mais envoyez-moi
Flavius le premier.

LE RELIGIEUX.--Vos ordres seront fidèlement remplis.

(Il sort.)

(Entre Varrius.)

LE DUC.--Je vous rends grâces, Varrius; vous avez fait bonne diligence.
Venez, nous allons nous promener; il y en a encore d'autres de nos amis
qui vont venir ici nous saluer dans un moment, mon cher Varrius.

(Ils sortent.)


SCÈNE VI

Une rue près de la porte de la ville.

_Entrent_ ISABELLE ET MARIANNE.


ISABELLE.--Parler avec tous ces détours me répugne: je voudrais dire la
vérité; mais c'est votre rôle à vous de l'accuser ouvertement. Cependant
il me conseille de le faire, et dit que c'est pour cacher un but
avantageux.

MARIANNE.--Laissez-vous guider par lui.

ISABELLE.--Il me dit encore que si par hasard il parle contre moi en
faveur de l'autre, je ne le trouve pas étrange: c'est un remède, dit-il,
qui est amer pour en venir à la douceur.

MARIANNE.--Je voudrais que le frère Pierre...

ISABELLE.--Oh! silence, le religieux est arrivé.

(Entre un religieux.)

LE RELIGIEUX.--Venez, je vous ai trouvé une très-bonne place, où vous
serez sûres que le duc ne pourra pas passer sans que vous le voyiez;
les trompettes ont déjà retenti deux fois; les plus nobles et les plus
notables citoyens ont pris possession des portes, et le duc ne va pas
tarder à entrer; ainsi, partons, allons nous-en.

FIN DU QUATRIÈME ACTE.




                           ACTE CINQUIÈME


SCÈNE I

Place publique près de la porte de la ville.

MARIANNE _voilée_, ISABELLE ET PIERRE _dans l'éloignement. Par la porte
opposée entrent_ LE DUC, VARRIUS, DIVERS SEIGNEURS, ANGELO, ESCALUS,
LUCIO, LE PRÉVÔT, DES OFFICIERS ET DES CITOYENS.


LE DUC.--Mon digne cousin, vous êtes le bienvenu.--Mon ancien et fidèle
ami, je suis bien aise de vous voir.

ANGELO.--Un heureux retour à Votre Altesse royale!

LE DUC, _à Angelo et Escalus_.--Mille actions de grâces sincères à tous
les deux: nous avons pris des informations sur votre compte, et nous
entendons dire tant de bien de votre justice, que notre coeur ne peut
s'empêcher de vous en faire notre remerciement public, comme précurseur
d'autres récompenses.

ANGELO.--Vous ne faites qu'augmenter de plus en plus mes obligations.

LE DUC.--Votre mérite parle haut; ce serait lui faire injure que
d'en renfermer le témoignage dans le secret de notre connaissance
personnelle, lorsqu'il mérite de trouver dans des caractères d'airain
une sécurité éternelle contre la dent du temps et les ravages de
l'oubli. Donnez-moi votre main, et que mes sujets le voient, afin qu'ils
apprennent que mes faveurs visibles voudraient vous annoncer les grâces
que mon coeur vous réserve.--Venez, Escalus; vous devez être près de
nous de l'autre côté. Vous êtes pour moi deux bons appuis.

(Frère Pierre et Isabelle s'avancent.)

FRÈRE PIERRE, _à Isabelle_.--Voici le moment; parlez haut et mettez-vous
à genoux devant lui.

ISABELLE.--Justice, ô royal duc! abaissez vos regards sur une
malheureuse, je voudrais pouvoir dire vierge! Oh! digne prince, ne
déshonorez pas vos yeux, en les détournant vers un autre objet, que vous
n'ayez entendu ma juste plainte, et que vous ne m'ayez fait justice,
justice! justice! justice!

LE DUC.--Racontez vos griefs. En quoi avez-vous été outragée? par
qui? abrégez: voici le seigneur Angelo qui vous rendra justice;
expliquez-vous à lui.

ISABELLE.--O noble duc! vous m'ordonnez d'aller demander mon salut au
démon: entendez-moi vous-même; car ce qu'il faut que je dise doit ou
me faire punir si vous ne me croyez pas, ou vous forcer à me donner
satisfaction; daignez, ah! daignez m'entendre ici.

ANGELO.--Seigneur, sa raison, je le crains, n'est pas bien saine; elle
m'a sollicité pour son frère qui a été exécuté par ordre de la justice.

ISABELLE.--La justice!

ANGELO.--Et elle va se répandre en plaintes amères et étranges.

ISABELLE.--Oui, je vais révéler des choses bien étranges, mais bien
vraies. Cet Angelo est un parjure; cela n'est-il pas étrange? Cet Angelo
est un assassin; cela n'est-il pas étrange? Cet Angelo est un adultère
clandestin, un hypocrite, un ravisseur de vierges; cela n'est-il pas
étrange et très-étrange?

LE DUC.--Oh! dix fois étrange.

ISABELLE.--Il n'est pas plus vrai qu'il est Angelo, qu'il n'est certain
que tout cela est aussi vrai qu'étrange; car au bout du compte, la
vérité est la vérité.

LE DUC, _à un de ses officiers_.--Qu'on la fasse retirer.--Pauvre
malheureuse! C'est la faiblesse de sa raison qui la fait parler ainsi.

ISABELLE.--O mon prince! Je vous en conjure, par la foi que vous avez
qu'il est un autre lieu de consolation que ce monde, ne me dédaignez
pas en vous persuadant que je suis atteinte de folie; ne jugez pas
impossible ce qui n'est qu'invraisemblable: il n'est pas impossible
qu'un homme, qui est le plus vil scélérat de la terre, paraisse aussi
réservé, aussi grave, aussi parfait que le paraît Angelo; il est même
possible qu'Angelo, malgré toutes ses belles apparences, sa réputation,
ses titres et ses formes imposantes, soit un archi-scélérat. Croyez-le,
illustre prince: s'il est moins que cela, il n'est rien; mais il est
plus encore, si je savais trouver des mots pour exprimer toute sa
scélératesse.

LE DUC.--Sur mon honneur, si elle est insensée (et je ne puis croire
autre chose), sa folie a la plus étrange apparence de bon sens; elle
montre autant de liaison dans ses idées, que j'en aie jamais entendu
dans la folie.

ISABELLE.--Gracieux duc, ne vous attachez pas à cette idée, ne me croyez
pas privée de ma raison parce que je parle sans ordre, et faites servir
votre jugement à tirer la vérité des ténèbres où elle semble cachée, où
se cache aussi l'imposture qui semble la vérité.

LE DUC.--Sûrement, bien des gens qui ne sont pas fous montrent moins de
raison qu'elle.--Que voulez-vous dire?

ISABELLE.--Je suis la soeur d'un certain Claudio, condamné à perdre la
tête pour un acte de fornication, et condamné par Angelo. Moi, qui étais
en noviciat dans une communauté, j'ai été mandée par mon frère: un nommé
Lucio a été son messager.

LUCIO.--C'est moi, sous le bon plaisir de Votre Altesse; j'ai été la
trouver de la part de Claudio, et je l'ai priée de tenter sa bonne
fortune auprès du seigneur Angelo, pour obtenir le pardon de son pauvre
frère.

ISABELLE.--Oui, c'est lui-même en effet.

LE DUC, _à Lucio_.--On ne vous a pas dit de parler.

LUCIO.--Non, mon bon seigneur; mais on n'a pas demandé non plus de me
taire.

LE DUC.--Allons, je vous le demande maintenant; je vous prie, faites
attention à ce que je vous dis, et quand vous aurez une affaire
personnelle, priez le ciel d'être alors sans reproche.

LUCIO.--Oh! j'en réponds à Votre Altesse.

LE DUC.--Répondez-vous-en à vous-même, prenez-y bien garde.

ISABELLE.--Cet honnête homme a dit quelque chose de mon histoire.

LUCIO.--Rien que de juste.

LE DUC.--Cela peut être juste; mais vous avez tort de parler avant votre
tour. (_A Isabelle_.) Continuez.

ISABELLE.--J'allai trouver ce dangereux et nuisible ministre.

LE DUC.--Voilà qui sent un peu la démence.

ISABELLE.--Pardonnez-moi: la phrase convient au sujet.

LE DUC.--En la rectifiant.--Au fait, continuez.

ISABELLE.--En un mot, et pour laisser de côté un inutile récit, comment
j'ai cherché à le persuader; comment j'ai prié; comment je me suis
jetée à ses genoux; comment il a réfuté mes raisons; comment je lui ai
répliqué (car tout cela a été long), je déclare d'abord avec honte et
douleur l'infâme conclusion. Il n'a voulu relâcher mon frère qu'au prix
du sacrifice de mon chaste corps à l'intempérance de ses impudiques
désirs. Après beaucoup de débats, ma pitié de soeur a fait taire mon
honneur, et j'ai cédé; mais le lendemain, dès le matin, après avoir
accompli ses desseins, il a envoyé l'ordre de couper la tête à mon
pauvre frère.

LE DUC.--Cela est fort vraisemblable!

ISABELLE.--Ah! plût au ciel que cela fût aussi vraisemblable que cela
est vrai!

LE DUC.--Par le ciel, malheureuse insensée, tu ne sais ce que tu dis;
ou bien il faut que tu aies été subornée contre son honneur par quelque
odieux complot.--D'abord, son intégrité est sans tache.--Ensuite, il est
hors de toute raison qu'il poursuivît avec tant de sévérité des fautes
qui lui seraient personnelles: s'il avait ainsi péché, il aurait
pesé ton frère dans sa propre balance, et il ne l'aurait pas fait
mourir.--Quelqu'un vous a excitée contre lui. Avouez la vérité, et
déclarez par le conseil de qui vous êtes venue ici vous plaindre.

ISABELLE.--Et est-ce là tout? O vous donc, bienheureux ministres du
ciel, conservez-moi la patience! Et quand le temps sera mûr, dévoilez
le crime qui reste ici caché sous de fausses apparences!--Que le ciel
préserve Votre Altesse de tout malheur, lorsque moi, ainsi outragée, je
vous quitte sans que vous me croyiez!

LE DUC.--Je sais que vous ne demanderiez pas mieux que de vous en
aller.--Un officier!--Conduisez-la en prison.--Quoi! permettrons-nous
qu'une accusation aussi flétrissante, aussi scandaleuse, tombe
impunément sur un homme qui nous est attaché de si près? Il y a
nécessairement ici quelque intrigue.--Qui a su votre dessein et votre
démarche?

ISABELLE.--Un homme que je voudrais bien voir ici, le frère Ludovic.

LE DUC.--Votre père spirituel, sans doute;--qui connaît ce Ludovic?

LUCIO.--Seigneur, moi, je le connais; c'est un moine intrigant; je
n'aime point cet homme-là: s'il avait été laïque, seigneur, je l'aurais
vertement châtié pour certains propos qu'il a tenus contre Votre
Altesse, pendant votre absence.

LE DUC.--Des propos contre moi? C'est sans doute un digne religieux!
Et d'exciter cette malheureuse femme à venir accuser ici notre
substitut!--Qu'on me trouve ce moine.

LUCIO.--Pas plus tard qu'hier au soir, seigneur, le religieux et elle,
je les ai vus tous deux dans la prison: un moine impertinent, un vrai
misérable!

LE MOINE PIERRE.--Que le ciel bénisse Votre Altesse royale! Je me tenais
ici, seigneur, et j'ai entendu qu'on vous en imposait. D'abord, c'est
bien à tort que cette femme a accusé votre ministre, qui est aussi
innocent de toute impureté ou commerce avec elle, qu'elle l'est
elle-même de tout commerce avec un homme encore à naître.

LE DUC.--C'est ce que nous croyons.--Connaissez-vous ce frère Ludovic
dont elle parle?

LE MOINE PIERRE.--Je le connais pour un saint homme de Dieu, et qui
n'est point un méchant, ni un intrigant du siècle, comme le rapporte ce
gentilhomme. Et, sur ma parole, c'est un homme qui n'a jamais, comme il
le prétend, mal parlé de Votre Altesse.

LUCIO.--Seigneur, de la manière la plus infâme: croyez-moi.

LE MOINE PIERRE.--Allons, il pourra, avec le temps, se justifier
lui-même: mais pour le moment, il est malade, seigneur, d'une fièvre
violente; c'est uniquement à sa prière, ayant su qu'on projetait
d'accuser ici devant vous le seigneur Angelo, que je suis venu ici, pour
déclarer, comme par sa propre bouche, ce qu'il sait être vrai et faux,
et ce que lui-même, par son serment et par toutes sortes de preuves, il
démontrera, en quelque temps qu'il soit appelé en témoignage. D'abord,
quant à cette femme (à la justification de ce digne seigneur, si
directement et si publiquement accusé), vous la verrez démentie en face,
jusqu'à ce qu'elle l'avoue elle-même.

LE DUC.--Bon père, nous vous écoutons, parlez. Cela ne vous fait-il pas
sourire, seigneur Angelo? O ciel! Ce que c'est que la témérité de ces
misérables insensés!--Donnez-nous des siéges.--Venez, cousin Angelo: je
veux être partial dans cette affaire: soyez vous-même juge dans votre
propre cause. (_Isabelle est emmenée par les gardes, et Marianne
s'avance._) Est-ce là le témoin, frère?--Qu'elle commence par montrer
son visage, et qu'après, elle parle.

MARIANNE.--Pardonnez, seigneur: je ne montrerai point mon visage, que
mon époux ne me l'ordonne.

LE DUC.--- Comment! êtes-vous mariée?

MARIANNE.--Non, seigneur.

LE DUC.--Êtes-vous fille?

MARIANNE.--Non, seigneur.

LE DUC.--Vous êtes donc veuve?

MARIANNE.--Non plus, seigneur.

LE DUC.--Vous n'êtes donc rien?--Ni fille, ni femme, ni veuve.

LUCIO.--Seigneur, elle pourrait bien être une catin; car il y en a
beaucoup parmi elles qui ne sont ni filles, ni femmes, ni veuves.

LE DUC.--Imposez silence à cet homme: je voudrais qu'il eût quelque
raison de babiller pour lui-même.

LUCIO.--Allons, seigneur.

MARIANNE.--Seigneur, j'avoue que jamais je n'ai été mariée; et j'avoue
encore que je ne suis point fille: j'ai connu mon mari, et cependant mon
mari ne sait pas qu'il m'ait jamais connue.

LUCIO.--Il fallait donc qu'il fût ivre, seigneur; cela ne peut être
autrement.

LE DUC.--Pour obtenir l'avantage de ton silence, je voudrais que tu le
fusses aussi.

LUCIO.--Très-bien, seigneur.

LE DUC.--Ce n'est pas là un témoin pour le seigneur Angelo.

MARIANNE.--Je vais y venir, seigneur. Cette femme qui l'accuse de
fornication, intente la même accusation contre mon mari, et elle
l'accuse de l'avoir commise, seigneur, dans un moment où je déposerai,
moi, que je le tenais dans mes bras avec toutes les preuves de l'amour.

ANGELO.--L'accuse-t-elle de quelque chose de plus que moi?

MARIANNE.--Pas que je sache.

LE DUC.--Non? Vous dites votre époux?

MARIANNE.--Oui, précisément, seigneur; et c'est Angelo qui croit être
certain de n'avoir jamais connu ma personne, mais qui sait bien qu'il
croit avoir connu celle d'Isabelle.

ANGELO.--Voilà une étrange énigme.--Voyons votre visage.

MARIANNE.--Mon mari me l'ordonne; et je vais me démasquer. (_Elle ôte
son voile._)--Le voilà ce visage, cruel Angelo, que tu jurais naguère
être digne de tes regards: voilà la main qui a été pressée par la tienne
avec un contrat appuyé de tes serments: voilà la personne qui a usurpé
ton rendez-vous avec Isabelle, et qui a satisfait tes désirs dans la
maison de ton jardin, sous le nom supposé d'Isabelle.

LE DUC, _à Angelo_.--Connaissez-vous cette femme?

LUCIO.--Charnellement, à ce qu'elle dit.

LE DUC, _à Lucio_.--Taisez-vous, drôle.

LUCIO.--Cela suffit, seigneur.

ANGELO.--Seigneur, je dois convenir que je connais cette femme; et il y
a cinq ans qu'il y fut question de mariage entre elle et moi, ce qui fut
rompu en partie parce que la dot promise s'est trouvée au-dessous de
la convention; mais la principale raison, c'est que sa réputation a été
ternie par sa légèreté; et depuis ce temps, depuis cinq ans, jamais je
ne lui ai parlé, jamais je ne l'ai vue, ni entendu parler d'elle, sur
mon honneur et ma foi.

MARIANNE.--Noble prince, comme il est vrai que la lumière vient du
ciel, et que les paroles viennent de la voix, que la raison est dans la
vérité, et la vérité dans la vertu, je suis fiancée à cet homme, et sa
femme par les liens les plus forts que les paroles puissent former; oui,
mon bon seigneur, pas plus tard que la nuit de mardi dernier, dans la
maison de son jardin, il m'a connue comme sa femme: au nom de la vérité
de ce que je vous déclare, souffrez que je me relève de vos genoux en
sûreté, ou autrement laissez-moi m'y attacher à jamais comme une statue
de marbre.

ANGELO.--Je n'ai fait jusqu'à ce moment que sourire à ces extravagances;
maintenant, mon noble seigneur, donnez-moi la liberté de me faire
justice: ma patience est mise ici à l'épreuve; je m'aperçois que ces
malheureuses folles ne sont que les instruments de quelque ennemi plus
puissant qui les excite contre moi: laissez-moi la liberté, seigneur, de
découvrir cette sourde menée.

LE DUC.--De tout mon coeur, et punissez-les absolument à votre
gré.--Toi, moine téméraire,--et toi, méchante femme, conjurée avec celle
qu'on vient d'emmener, penses-tu que tes serments, quand ils feraient
descendre à force de protestations tous les saints du ciel, fussent des
témoignages admissibles contre son mérite et sa réputation, qui sont
munis du sceau de mon approbation?--Vous, seigneur Escalus, siégez avec
mon cousin: prêtez-lui vos obligeants secours, pour découvrir la source
de cette diffamation.--Il y a un autre moine qui les a excitées: qu'on
l'envoie chercher.

LE MOINE PIERRE.--Plût à Dieu qu'il fût ici, seigneur! car c'est lui en
effet qui a poussé ces femmes à intenter cette accusation: votre prévôt
connaît le lieu de sa demeure, et il peut vous l'amener.

LE DUC, _au prévôt_.--Allez, et amenez-le dans l'instant.--Et vous,
mon noble cousin, qui me donnez tant de garanties, et à qui il importe
d'entendre à fond cette affaire, procédez sur vos injures comme vous le
trouverez bon, et infligez le châtiment qu'il vous plaira. Je vais vous
quitter pour quelques moments: ne bougez pas de votre siége que vous
n'ayez bien résolu la question de ces calomniateurs.

ESCALUS.--Seigneur, nous allons l'examiner à fond.

(Le duc sort.)

ESCALUS, _à Lucio_.--Seigneur Lucio, n'avez-vous pas dit que vous
connaissiez le moine Ludovic pour être un malhonnête personnage?

LUCIO.--_Cucullus non facit monachum_[32]. Il n'est honnête en rien que
par sa robe, et c'est un homme qui a tenu les plus infâmes propos sur le
compte du duc.

[Note 32: «L'habit ne fait pas le moine,» proverbe latin qui revient
plusieurs fois dans Shakspeare.]

ESCALUS.--Nous vous demanderons de rester ici jusqu'à ce qu'il vienne,
pour en témoigner contre lui... Nous allons trouver dans ce moine un
insigne vaurien.

LUCIO.--Autant que qui que ce soit dans Vienne, sur ma parole.
                
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