William Shakespear

Henri IV (2e partie)
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FALSTAFF.--Il n'y avait pas d'insulte, Hal; sur mon honneur, il n'y
avait pas d'insulte.

HENRI.--Comment! en me dépréciant, en m'appelant panetier, taille-pain,
et je ne sais encore comment.

FALSTAFF.--Point d'insulte, Hal.

POINS.--Quoi! ce ne sont pas là des insultes?

FALSTAFF.--Pas du tout, point d'insulte, du tout, Ned, honnête Ned. Je
l'ai déprécié devant les méchants, afin que les méchants ne se prissent
point d'amour pour lui: en quoi faisant, j'ai joué le rôle d'un
véritable ami, d'un fidèle sujet, et ton père doit me remercier pour
cela. Il n'y a point là d'insulte, Hal; pas du tout, Ned, pas du tout:
non, mes enfants, pas du tout.

HENRI.--Vois donc, si de peur et de pure lâcheté tu n'insultes pas à
présent cette vertueuse dame, pour te tirer d'affaire avec nous?
Est-elle du nombre des méchants? Ton hôtesse que voilà, en est-elle? Ce
pauvre petit page en est-il un? Ou bien cet honnête Bardolph, dont le
nez brûle de zèle, est-il un méchant?

POINS.--Réponds donc, vieil arbre mort, réponds donc!

FALSTAFF.--Le diable a déjà marqué Bardolph à tout jamais, et son visage
est la cuisine particulière de Lucifer, où il ne fait autre chose que de
lui rôtir de la vermine: quant à ce petit page, il a un bon ange à ses
côtés; mais le diable est plus fort que lui.

HENRI.--Pour les femmes....

FALSTAFF.--Il y en a une qui est déjà en enfer; elle brûle, la pauvre
diablesse. Quant à l'autre, je lui dois de l'argent; si pour cela elle
doit être damnée ou non, c'est ce que je ne sais pas.

L'HÔTESSE.--Oh! pour cela non, je vous assure.

FALSTAFF.--A te dire le vrai, je ne le crois pas non plus; je crois que
tu es quitte pour cet article. Mais, pardieu! il y a une autre affaire
contre toi; de souffrir qu'on mange de la viande chez toi, en
contravention à la loi! C'est pourquoi je pense que tu hurleras.

L'HÔTESSE.--Tous ceux qui tiennent auberge en font autant: qu'est-ce
qu'un gigot de mouton ou deux durant tout un carême?

HENRI.--Et vous, ma belle dame?

DOROTHÉE.--Que dit Votre Grâce?

FALSTAFF.--Ce que dit Sa Grâce, elle le dit tout à fait à contre-coeur.

L'HÔTESSE.--Qui frappe si fort à la porte? Voyez qui est à la porte,
François.

(Entre Peto.)

HENRI.--Eh bien, Peto, quelle nouvelle?

PETO.--Le roi votre père est à Westminster; vingt courriers bien las et
bien épuisés arrivent du nord; et chemin faisant j'ai rencontré et passé
une douzaine de capitaines, nu-tête et suant à grosses gouttes, qui
frappaient à tous les cabarets, et demandaient si l'on n'avait pas vu
sir Jean Falstaff.

HENRI.--Sur mon Dieu, Poins, je me sens bien coupable de profaner ainsi
à des sottises un temps si précieux, tandis que la tempête de la
révolte, comme le vent du sud accompagné de noires vapeurs, commence à
fondre en orage sur nos têtes nues et désarmées. Donnez-moi mon épée et
mon manteau. Bonsoir, Falstaff.

(Sortent Henri, Poins, Peto et Bardolph.)

FALSTAFF.--Voilà que m'arrivait le plus friand morceau de la soirée, et
il faut partir sans y mettre la dent! Encore frapper à la porte!
Qu'est-ce que c'est? qu'y a-t-il donc encore?

(Entre Bardolph.)

BARDOLPH.--Il faut que vous vous rendiez à la cour tout de suite; il y a
là-bas une douzaine de capitaines qui vous attendent à la porte.

FALSTAFF, _au page_.--Payez les musiciens, petit drôle; adieu, hôtesse;
adieu, Dorothée: vous voyez, mes enfants, comme les gens de mérite sont
recherchés. L'homme inutile peut dormir, tandis que l'homme de courage
est appelé partout. Adieu, mes enfants: si l'on ne me fait pas partir en
poste sur-le-champ, je vous reverrai avant de m'en aller.

DOROTHÉE.--Je ne saurais parler. Si mon coeur n'est pas prêt à
crever!... Enfin, mon cher Jack, aie bien soin de toi.

FALSTAFF.--Adieu, adieu.

L'HÔTESSE.--Allons, porte-toi bien: il y aura vingt-neuf ans à la saison
des pois verts que je te connais, mais pour un homme plus honnête et
plus sincère.... Enfin, porte-toi bien.

BARDOLPH, _appelant dans l'intérieur_.--Mistriss Tear-Sheet!

L'HÔTESSE.--Qu'est-ce qu'il y a?

BARDOLPH.--Dites à mistriss Tear-Sheet de venir parler à mon maître.

L'HÔTESSE.--Oh! cours vite, Dorothée; cours, cours, ma bonne Dorothée.

(Elles sortent.)

FIN DU DEUXIÈME ACTE.




                           ACTE TROISIÈME


SCÈNE I

Une chambre du palais.

_Entre_ LE ROI _en robe de chambre, accompagné d'un page_.


LE ROI.--Va: dis aux comtes de Surrey et de Warwick de se rendre ici;
mais recommande-leur de lire auparavant ces lettres, et d'en bien
méditer le contenu. Fais diligence. (_Le page sort._) Combien de
milliers de mes plus pauvres sujets dorment à cette heure! O sommeil, ô
bienfaisant sommeil, doux réparateur de la nature, comment donc t'ai-je
effrayé, que tu ne veuilles plus appesantir mes paupières, et plonger
dans l'oubli mes sens assoupis? Pourquoi, sommeil, te plais-tu mieux
dans la chaumière enfumée, étendu sur d'incommodes grabats, où tu
t'assoupis au bourdonnement des insectes nocturnes, que dans les
chambres parfumées des grands, sous la pourpre d'un dais magnifique, où
les sons d'une douce mélodie invitent au repos? Dieu stupide, pourquoi
vas-tu partager le lit dégoûtant du misérable, et laisses-tu la couche
des rois semblable à la boîte d'une horloge, ou à la cloche qui sonne
l'alarme? Quoi! tu vas fermer les yeux du mousse sur la cime agitée et
périlleuse du mât, et tu le berces sur la couche de la tempête
impétueuse, au milieu des vents qui saisissent par le sommet les vagues
scélérates, hérissent leurs têtes monstrueuses, et les suspendent aux
mobiles nuages avec des clameurs si assourdissantes qu'à ce tapage la
mort elle-même se réveille. O injuste sommeil, peux-tu dans ces heures
terribles accorder ton repos au mousse trempé des flots, tandis qu'au
sein de la nuit la plus calme et la plus tranquille, sollicité par tous
les moyens et toutes les séductions imaginables, tu le refuses à un
roi!--Couchez-vous donc tranquillement, heureux misérables. La tête qui
porte une couronne ne repose jamais avec calme!

(Entrent Warwick et Surrey.)

WARWICK.--Mille bonjours à Votre Majesté!

LE ROI.--Est-ce que nous sommes déjà au matin?

WARWICK.--Il est une heure passée.

LE ROI.--En ce cas, milords, je vous souhaite aussi le bonjour à tous
deux.--Avez-vous lu les lettres que je vous ai envoyées?

WARWICK.--Oui, mon souverain.

LE ROI.--Vous voyez donc dans quel état critique est notre royaume, de
quelles maladies funestes il est atteint, et que le plus grand danger
est tout près du coeur.

WARWICK.--Il n'y a, seigneur, qu'un désordre naissant dans sa
constitution, et l'on peut lui rendre toute sa vigueur avec de bons
conseils et peu de remèdes.--Milord Northumberland sera bientôt
refroidi.

LE ROI.--O ciel! que ne peut-on lire dans le livre du destin! y voir
tantôt la révolution des siècles aplanir les plus hautes montagnes;
tantôt le continent, comme lassé de sa ferme solidité, se fondre et
s'écouler dans les mers; et d'autres fois la ceinture en falaises de
l'Océan devenir trop large pour les reins de Neptune! que n'y peut-on
apprendre comme le hasard se rit de nous, et de combien de diverses
liqueurs ses changements remplissent la coupe des vicissitudes! Oh! si
l'on pouvait voir tout cela, le jeune homme le plus heureux, à l'aspect
de la route qu'il lui faut suivre à travers la vie, des périls où il
doit passer, des traverses qui doivent s'ensuivre, ne songerait plus
qu'à fermer le livre, s'asseoir et mourir.--Dix ans ne se sont pas
encore écoulés depuis que Richard et Northumberland, amis déclarés,
prenaient ensemble de joyeux repas; et deux ans après ils étaient en
guerre. Il n'y a que huit ans que ce même Percy était l'homme le plus
près de mon coeur; il travaillait sans relâche comme un frère pour mes
intérêts, et déposait à mes pieds son affection et sa vie. Oui, pour
l'amour de moi il bravait en face Richard. Qui de vous était présent
alors? (_A Warwick._) C'était vous, cousin Névil, autant que je m'en
puis souvenir. Lorsque Richard, les yeux pleins de larmes, insulté,
maltraité de reproches par Northumberland, prononça ces paroles que nous
voyons maintenant avoir été prophétiques: «Northumberland, toi l'échelle
avec laquelle mon cousin Bolingbroke monte sur mon trône.»--Bien
qu'alors, le ciel le sait, je n'eusse point cette pensée, et que la
nécessité seule ait abaissé l'État, à tel point que la souveraineté et
moi nous fûmes forcés de nous embrasser.--«Le temps viendra,
continua-t-il, le temps viendra où ce crime infâme, comme un ulcère
mûri, répandra la corruption qu'il renferme.» Et il poursuivit,
prédisant ce qui arrive aujourd'hui et la rupture de notre amitié.

WARWICK.--Il se trouve toujours dans la vie des hommes quelque événement
propre à nous représenter l'aspect des temps qui ne sont plus. En les
observant, on peut prophétiser assez juste les principaux événements qui
sont encore à naître, faibles commencements gardés en réserve dans les
germes où ils reposent, pour y être couvés par le temps qui les fait
éclore. D'après l'inévitable loi des choses, le roi Richard pouvait
clairement concevoir l'idée que le puissant Northumberland, alors
traître envers lui, ferait sortir de cette semence une trahison plus
grande encore qui ne trouverait pour y attacher ses racines d'autre
terrain que vous.

LE ROI.--Ces événements sont-ils donc une inévitable nécessité? Eh bien,
recevons-les comme la nécessité. C'est elle encore qui nous appelle en
ce moment à grands cris.--On dit que l'évêque et Northumberland sont
forts de cinquante mille hommes.

WARWICK.--Cela est impossible, seigneur; la renommée, répétant à la fois
la voix et l'écho, double toujours les objets de la crainte.--Que Votre
Grâce veuille bien s'aller mettre au lit. Sur ma vie, seigneur, l'armée
que vous avez envoyée viendra facilement à bout de cette conquête; et
pour vous consoler encore davantage, j'ai reçu l'avis que Glendower est
mort. Votre Majesté a été malade toute cette quinzaine, et ces heures
prises sur le temps du sommeil doivent nécessairement aggraver votre
mal.

LE ROI.--Je vais suivre votre conseil: et si ces guerres domestiques
étaient terminées, nous partirions, mes chers lords, pour la Terre
sainte.

(Ils sortent.)


SCÈNE II

Une cour devant la maison du juge de paix Shallow, dans le comté de
Glocester.

_Entrent_ SHALLOW et SILENCE, _chacun de son côté, suivi de_ MOULDY,
SHADOW, WART, FEEBLE et BULLCALF.


SHALLOW, _à Silence_.--Venez, venez, venez: votre main, monsieur, votre
main, monsieur; vous êtes bien matinal, par ma foi! Comment se porte mon
cher cousin Silence?

SILENCE.--Bonjour, mon cher cousin Shallow.

SHALLOW.--Et comment se porte ma cousine votre femme, et votre charmante
fille, et la mienne, ma filleule Hélène?

SILENCE.--Ah! ce n'est pas un merle blanc.

SHALLOW.--Qu'on en dise tout ce qu'on voudra, je gage que mon cousin
Guillaume est un habile garçon à présent. Il est toujours à Oxford,
n'est-ce pas?

SILENCE.--Oui vraiment, et cela me coûte beaucoup.

SHALLOW.--Vous l'enverrez bientôt, je pense, aux écoles de droit.
J'étais autrefois de celle de Saint-Clément, où je crois qu'on parle
encore, et qu'on parlera longtemps de cet étourdi de Shallow.

SILENCE.--On vous appelait le vigoureux Shallow, alors, cousin.

SHALLOW.--Oh! pardieu, j'avais toutes sortes de noms. Et en vérité, il
n'y avait rien que je ne fusse capable de faire, et rondement encore. Il
y avait moi et le petit Jean Doit, du comté de Stafford, et le noir
George Bare, et François Pickbone, et Guillaume Squelle, un fameux
lutteur[42]: je suis sûr que, dans toutes les écoles de droit, on
n'aurait pas trouvé quatre autres vauriens de tapageurs comme nous; et
j'ose dire que nous savions bien où déterrer le gibier, et que nous
avions le meilleur à commandement. Il y avait aussi dans ce temps-là
avec nous Jean Falstaff, aujourd'hui sir Jean, alors tout jeune et page
de Thomas Mowbray, duc de Norfolk.

[Note 42: _A Colswold man._ Les jeux de Colswold étaient célèbres alors
pour les exercices d'adresse et de force.]

SILENCE.--Est-ce le même sir Jean, cousin, qui va venir ici bientôt pour
des recrues?

SHALLOW.--Le même, le même sir Jean, précisément le même. Je lui ai vu
fendre la tête de Skogan[43] à la porte du palais, qu'il n'était encore
qu'un marmot pas plus haut que cela: et le même jour, je me suis battu
avec un certain Samson Stock-Fish, qui tenait une boutique de fruitier
derrière les écoles de Gray. Oh! les bonnes farces que j'ai faites! Et
de voir aujourd'hui combien il y a de mes vieilles connaissances de
mortes!

[Note 43: _Skogan_ était un poëte qui suivait la cour de Henri IV, et
composait des ballades et des moralités. Il paraît avoir été un homme
sérieux et nullement fait pour se trouver compromis avec un mauvais
sujet de l'espèce de Falstaff. Mais on a le recueil des mauvaises
plaisanteries d'un autre _Skogan_, espèce de bouffon qui vivait du temps
d'Édouard IV. Shakspeare paraît les avoir confondus, ou peut-être est-ce
un anachronisme qu'il prête à dessein à Shallow pour faire ressortir un
de ses mensonges.]

SILENCE.--Nous les suivrons tous, cousin.

SHALLOW.--Oh! cela est certain, cela est certain, très-sûr, très-sûr: la
mort (comme dit le psalmiste) est certaine pour tous, tous
mourront.--Combien une bonne paire de boeufs à la foire de Stampford?

SILENCE.--Pour vous dire la vérité, cousin, je n'y ai pas été.

SHALLOW.--Oui, la mort est certaine.--Et le vieux Double de votre ville
est-il toujours en vie?

SILENCE.--Mort, monsieur.

SHALLOW.--Mort! Voyez, voyez, il tirait bien de l'arc; et il est mort!
Il avait un beau coup de fusil. Jean de Gaunt l'aimait beaucoup, et
gageait beaucoup d'argent sur sa tête. Mort! il vous tapait dans le
blanc à deux cent quarante pas, et vous aurait lancé un trait à deux
cent quatre-vingts, et même quatre-vingt-dix pas, que cela vous aurait
enchanté à voir.--A quel prix la vingtaine de brebis à présent?

SILENCE.--C'est selon ce qu'elles sont: une vingtaine de bonnes brebis
peut aller à dix guinées.

SHALLOW.--Et comme cela, le pauvre vieux Double est donc mort?

(Entrent Bardolph et une autre personne avec lui.)

SILENCE.--Voilà, je crois, deux des gens de sir Jean Falstaff.

BARDOLPH.--Bonjour, mes bons messieurs; lequel de vous deux est le juge
Shallow?

SHALLOW.--Je suis Robert Shallow, monsieur, un pauvre gentilhomme de ce
comté, et l'un des juges de paix du roi. Que désirez-vous de moi?

BARDOLPH.--Mon capitaine, monsieur le juge, se recommande à vous; mon
capitaine, sir Jean Falstaff, homme de belle taille, pardieu! et un
très-vaillant chef de recrues.

SHALLOW.--Il me fait bien de la grâce, monsieur; je l'ai connu un
excellent espadonneur: comment se porte ce bon chevalier? Oserai-je
demander comment se porte milady son épouse?

BARDOLPH.--Excusez-moi, monsieur, mais un soldat n'est pas si mal
accommodé que de n'avoir qu'une femme.

SHALLOW.--C'est bien dit, par ma foi, monsieur; et, en vérité, c'est
bien dit. Mieux accommodé! Il est bon! Oui, en vérité, il est bon! Les
bonnes phrases sont très-certainement et ont toujours été en grande
recommandation. Accommodé,--cela vient d'_accommodo_: fort bien! c'est
une bonne phrase[44]!

[Note 44: _Accommodate_ était une expression à la mode.]

BARDOLPH.--Pardonnez, monsieur, mais j'ai entendu dire ce mot-là.
Comment dites-vous, une phrase? Par le jour qui luit, je ne sais pas ce
que veut dire _phrase_; mais je soutiendrai, l'épée à la main, que ce
mot est un très-bon mot de soldat, et un mot d'un sens très-avantageux.
Oui, accommodé, c'est-à-dire qu'un homme est, comme on dit, accommodé;
ou bien, quand un homme est ce qu'on appelle.... par quoi.... et
comment... il peut passer pour accommodé, ce qui est une excellente
chose.

(Arrive Falstaff.)

SHALLOW.--Vous avez raison; tenez, voilà le bon sir Jean qui arrive.
Donnez-moi votre chère main; que Votre Seigneurie donne sa chère main.
Sur ma parole, vous avez bon visage; vous portez vos années à faire
plaisir. Soyez le bienvenu, mon cher sir Jean.

FALSTAFF.--Je suis charmé de vous voir en bonne santé, mon cher maître
Robert Shallow. C'est maître Sure-Card que voilà, je pense?

SHALLOW.--Non, sir Jean; c'est mon cousin Silence, mon confrère.

FALSTAFF.--Cher monsieur Silence, vous étiez bien fait pour être juge de
paix.

SILENCE.--Votre Seigneurie est la bienvenue.

FALSTAFF.--Pardieu! il fait bien chaud!--Messieurs, m'avez-vous fait ici
une demi-douzaine d'hommes bons à recruter?

SHALLOW.--Vraiment oui, monsieur. Voulez-vous prendre la peine de vous
asseoir?

FALSTAFF.--Voyons-les, s'il vous plaît.

SHALLOW.--Où est la liste, où est la liste, où est la liste? Attendez,
attendez, attendez. Allons, allons, allons, allons. Oui ma foi,
monsieur. (_Il fait l'appel._) Ralph Moisi[45]? Qu'ils viennent dans
l'ordre où je les appelle. Qu'ils viennent dans l'ordre, qu'ils viennent
dans l'ordre. Voyons, où est Moisi?

[Note 45: _Mouldy._ Il a fallu traduire les noms des recrues, sans quoi
les plaisanteries de Falstaff auraient été incompréhensibles.]

MOISI.--Ici, sous votre bon plaisir.

SHALLOW.--Que pensez-vous de celui-ci, sir Jean? C'est un garçon bien
membré, jeune, fort, et qui vient de bonne famille.

FALSTAFF.--Est-ce toi qui t'appelles Moisi?

MOISI.--Oui, sous votre bon plaisir.

FALSTAFF.--Il n'est que plus pressé de t'employer.

SHALLOW.--Ha, ha, ha! cela est excellent, ma foi! Ce qui est moisi a
besoin d'être employé plus tôt que plus tard. Singulièrement bon! Bien
dit, par ma foi! Fort bien dit!

FALSTAFF.--Piquez-le.

MOISI.--Oh! piqué, je le suis de reste. Si vous aviez pu me laisser
tranquille! Ma vieille grand'mère ne saura où donner de la tête pour
trouver quelqu'un qui lui fasse son ménage et les gros travaux. Vous
n'aviez pas besoin de me piquer; il y en a tant d'autres plus en état
que moi!

FALSTAFF.--Allons, paix, Moisi: vous marcherez. Moisi, il est temps
qu'on vous emploie.

MOISI.--Qu'on m'emploie?

SHALLOW.--Paix, drôle, paix; rangez-vous de côté: savez-vous à qui vous
parlez?--Voyons l'autre, sir Jean. Attendez. Simon L'ombre[46]!

[Note 46: _Shadow._]

FALSTAFF.--Vraiment, je veux l'avoir celui-là; ce doit être un soldat
bien frais.

SHALLOW.--Où est L'ombre?

L'OMBRE.--Me voilà, monsieur.

FALSTAFF.--L'ombre, de qui es-tu fils?

L'OMBRE.--Je suis l'enfant de ma mère, monsieur.

FALSTAFF.--L'enfant de ta mère! c'est assez vraisemblable; et l'ombre de
ton père, l'enfant de la femelle est l'ombre du mâle: il y en a beaucoup
de cette espèce, vraiment, mais pas beaucoup où le père ait mis du sien.

SHALLOW.--Vous convient-il, sir Jean?

FALSTAFF.--L'ombre conviendra fort en été, pique-le; nous avons comme
cela beaucoup d'ombres qui remplissent les cadres.

SHALLOW.--Thomas Bossu[47]!

[Note 47: _Wart._]

FALSTAFF.--Où est-il?

BOSSU.--Me voilà, monsieur.

FALSTAFF.--T'appelles-tu Bossu?

BOSSU.--Oui, monsieur.

FALSTAFF.--Tu es, ma foi, un bossu bien bossu.

SHALLOW.--Le piquerai-je, monsieur le chevalier?

FALSTAFF.--Il n'est pas nécessaire, car son équipage est bâti sur son
dos, et son corps ne tient qu'avec des épingles: ne le piquez pas
davantage.

SHALLOW.--Ha, ha, ha! C'est à faire à vous, chevalier, c'est à faire à
vous! Je vous fais mon compliment.--François Foible[48].

[Note 48: _Feeble._]

FOIBLE.--Me voilà, monsieur.

FALSTAFF.--Quel métier fais-tu, Foible?

FOIBLE.--Tailleur pour femmes, monsieur.

SHALLOW.--Le piquerai-je, monsieur?

FALSTAFF.--Si vous voulez; mais si c'eût été un tailleur d'hommes, c'est
à vous qu'il aurait piqué des points. Feras-tu bien autant de trous dans
le corps d'armée de l'ennemi que tu en as fait dans une jupe de femme?

FOIBLE.--J'y ferai tout mon possible, monsieur; vous n'en pouvez pas
demander davantage.

FALSTAFF.--C'est bien dit, mon cher tailleur pour femmes, bien dit,
courageux Foible. Tu seras aussi vaillant qu'un pigeon en colère, ou que
la plus magnanime des souris. Piquez bien le tailleur de femmes, maître
Shallow, profondément, monsieur Shallow.

FOIBLE.--J'aurais été bien charmé que Bossu fût parti aussi, monsieur.

FALSTAFF.--Je serais bien charmé que tu fusses tailleur pour hommes,
afin que tu pusses le raccommoder et le mettre en état d'aller. Je ne
peux pas faire un simple soldat d'un homme qui a un si gros corps
derrière lui. Cette raison doit vous suffire, très-vigoureux Foible.

FOIBLE.--Aussi suffira-t-elle, monsieur.

FALSTAFF.--Je te suis bien obligé, respectable Foible.--Qui est-ce qui
vient après?

SHALLOW.--Pierre le Boeuf[49], de la prairie.

[Note 49: _Bull-calf._]

FALSTAFF.--Vraiment! Voyons un peu ce Pierre le Boeuf.

LE BOEUF.--Me voilà, monsieur.

FALSTAFF.--Devant Dieu, cela fait un drôle bien bâti. Allons, piquez-moi
le Boeuf jusqu'à ce qu'il mugisse.

LE BOEUF.--Oh! mon seigneur capitaine....

FALSTAFF.--Comment donc? tu cries avant qu'on te pique?

LE BOEUF.--Ah! monsieur, je suis malade.

FALSTAFF.--Et quelle maladie as-tu?

LE BOEUF.--Un mâtin de rhume, monsieur; une toux que j'ai attrapée à
force de sonner dans les affaires du roi, le jour de son couronnement,
monsieur.

FALSTAFF.--Allons, tu viendras à la guerre en robe de chambre: nous
ferons partir ton rhume, et nous aurons soin que tes parents sonnent
pour toi.--Est-ce là tout?

SHALLOW.--Nous en avons appelé deux de plus qu'il ne vous faut; vous ne
devez avoir que quatre hommes ici, monsieur; faites-moi le plaisir
d'entrer et d'accepter mon dîner.

FALSTAFF.--Volontiers, j'irai boire un coup avec vous, mais je ne
saurais rester à dîner. Je suis bien charmé d'avoir eu le plaisir de
vous voir, maître Shallow.

SHALLOW.--Oh! monsieur le chevalier, vous souvenez-vous quand nous avons
passé la nuit ensemble dans le moulin à vent des prés Saint-George?

FALSTAFF.--Ne parlons plus de cela, mon cher maître Shallow, ne parlons
plus de cela.

SHALLOW.--Ah! que de farces nous avons faites cette nuit-là! et Jeanne
Night-Work est-elle toujours en vie?

FALSTAFF.--Toujours, maître Shallow.

SHALLOW.--Elle ne pouvait se débarrasser de moi.

FALSTAFF.--Oh! jamais, jamais: aussi disait-elle toujours qu'elle ne
pouvait pas supporter maître Shallow.

SHALLOW.--Pardieu! il n'y avait personne comme moi pour la faire
enrager. C'était une bonne robe alors; se soutient-elle toujours bien?

FALSTAFF.--Oh! vieille, vieille, maître Shallow.

SHALLOW.--En effet, elle doit être vieille; il est impossible qu'elle ne
soit pas vieille; certainement elle est vieille, puisqu'elle avait eu
Robin Night-Work du vieux Night-Work, avant que je fusse à
Saint-Clément.

SILENCE.--Il y a cinquante-cinq ans de cela.

SHALLOW.--Ah! cousin Silence, que n'as-tu vu ce que le chevalier et moi
avons vu! ah! sir John!

FALSTAFF.--Nous avons entendu souvent sonner le carillon de minuit,
maître Shallow.

SHALLOW.--Si nous l'avons entendu! si nous l'avons entendu! si nous
l'avons entendu! en vérité, chevalier, nous pouvons bien dire que nous
l'avons entendu. Notre mot du guet était _hem_!
_enfants_!--Allons-nous-en dîner. Oh! les beaux jours que nous avons
vus! Allons, allons.

(Falstaff, Shallow et Silence sortent.)

LE BOEUF.--Mon bon monsieur le corporal Bardolph, soyez de mes amis, et
voilà la somme de quarante schellings de Henri en écus de France pour
vous. En bonne vérité, monsieur, j'aimerais autant être pendu, monsieur,
que de partir: et cependant, quant à moi, monsieur, ce n'est pas que je
m'en soucie beaucoup; mais c'est que ce n'est pas mon penchant, et quant
à moi j'ai envie de rester dans ma famille; autrement, monsieur, je ne
m'en soucie pas quant à moi beaucoup.

BARDOLPH.--Allons, rangez-vous de côté.

MOISI.--Et moi, mon bon monsieur le caporal capitaine, soyez de mes amis
pour l'amour de ma vieille grand'mère, elle n'a personne capable de rien
faire auprès d'elle quand je serai parti; elle est vieille et ne peut
pas s'aider toute seule; je vous en donnerai quarante, monsieur.

BARDOLPH.--Allons, rangez-vous de côté.

FOIBLE.--Par ma foi, cela m'est égal; un homme ne peut jamais mourir
qu'une fois; nous devons une mort à Dieu. Je ne porterai jamais un coeur
lâche: si c'est mon sort, soit: si ce ne l'est pas, tout de même.
Personne n'est trop bon pour servir son prince; et que cela tourne comme
cela voudra: celui qui meurt cette année en est quitte pour l'année
prochaine.

BARDOLPH.--Bien dit, tu es un brave garçon!

FOIBLE.--Non, ma foi! je ne porterai jamais un coeur lâche.

(Rentrent Falstaff et les juges de paix.)

FALSTAFF.--Allons, monsieur, quels sont les hommes que je dois avoir?

SHALLOW.--Choisissez les quatre que bon vous semblera.

BARDOLPH.--Monsieur, écoutez un peu que je vous dise un mot: j'ai[50]
trois guinées pour décharger Moisi et le Boeuf.

[Note 50: Bardolph a reçu 80 schellings, ce qui fait environ 4 guinées
il en vole une à son maître.]

FALSTAFF.--Bien, j'entends.

SHALLOW.--Allons, sir Jean, qui sont les quatre que vous choisissez?

FALSTAFF.--Choisissez pour moi.

SHALLOW.--Vraiment donc: Moisi, le Boeuf, Foible, et L'ombre.

FALSTAFF.--Moisi, le Boeuf!--Quant à vous, Moisi, restez chez vous
jusqu'à ce que vous ne soyez plus bon pour le service. Et vous, le
Boeuf, croissez jusqu'à ce que vous y soyez propre. Je ne veux point de
vous autres.

SHALLOW.--Ah! sir Jean, sir Jean, ne vous faites pas tort à vous-même:
ce sont vos plus beaux hommes; et je serais bien aise que vous eussiez
ce qu'il y a de mieux.

FALSTAFF.--Voulez-vous m'apprendre, monsieur Shallow, à choisir un
homme? Est-ce que je me soucie, moi, des membres, de la largeur, de la
stature, de la corpulence, et de toutes ces formes robustes d'un homme?
Donnez-moi le coeur, monsieur Shallow. Voilà Bossu, par exemple; vous
voyez quel air mal torché il a. Eh bien, c'est un homme qui vous
chargera et fera partir son mousquet aussi vite que le marteau d'un
chaudronnier, qui ira et viendra aussi prestement que les seaux du
brasseur sortant la bière de la cuve. Et cet autre demi-visage, ce
maraud de L'ombre, voilà encore un homme comme il m'en faut; cela ne
présente ni surface ni but à l'ennemi; celui qui voudra tirer sur lui
pourrait tout aussi facilement ajuster le tranchant d'un canif: et pour
une retraite, avec quelle légèreté ce Foible, tailleur de femmes, vous
saura courir! Oh! donnez-moi les hommes de rebut, et renvoyez-moi au
rebut vos hommes d'élite. Mettez-moi un mousquet entre les mains de
Bossu, Bardolph.

BARDOLPH, _lui faisant faire l'exercice_.--Tenez-vous, Bossu; l'arme en
joue: comme cela, comme cela, comme cela.

FALSTAFF.--Allons, maniez-moi votre mousquet; comme cela; fort bien:
marchez; fort bien, à merveille. Oh! il n'est rien de tel pour faire un
fusilier qu'un petit, vieux, maigre, ratatiné, pelé. Par ma foi, je te
dis que c'est fort bien, Bossu. Tu es un bon garçon; tiens, voilà un
tester pour toi.

SHALLOW.--Il n'est pas encore passé maître là dedans; il ne l'exécute
pas très-bien. Je me souviens qu'à la plaine de Mile-End, du temps que
je demeurais à Saint-Clément, je faisais alors le rôle de sir Dagonet
dans la farce d'Arthur; il y avait un singulier drôle de petit corps, et
il vous maniait son mousquet comme cela, et puis il tournait par ici, et
tournait par là, et puis en avant, et puis en arrière, comme qui dirait,
_ra ta ta_, et puis comme qui dirait _pan_, et puis il s'en allait, et
puis il revenait encore: ah! je n'en verrai jamais un comme lui.

FALSTAFF.--Ceux-là iront très-bien. Maître Shallow, Dieu vous garde!
maître Silence, je ne ferai pas de longs compliments avec vous; adieu,
messieurs, tous les deux. Je vous fais mes remercîments; j'ai encore une
douzaine de milles à faire ce soir.--Bardolph, donnez à ces miliciens
leur uniforme.

SHALLOW.--Sir Jean, que le ciel vous bénisse, fasse prospérer vos
affaires, et nous envoie bientôt la paix! Ne repassez pas ici sans vous
arrêter chez moi, que nous renouvelions notre ancienne connaissance:
peut-être bien alors que je vous tiendrai compagnie pour aller à la
cour.

FALSTAFF.--Je voudrais qu'il vous en prît envie, maître Shallow.

SHALLOW.--Allez, en un mot comme en mille, j'ai dit. Portez-vous bien.

FALSTAFF.--Adieu, mes chers messieurs.--Ici, Bardolph. Conduis ces
hommes-là.

(Il sort.)

FALSTAFF.--A mon retour je veux soutirer ces deux juges de paix. Je
connais déjà à fond le juge Shallow. Seigneur mon Dieu, combien nous
autres vieillards sommes naturellement portés à mentir! Ce décharné de
juge de paix n'a fait autre chose que de m'étourdir de toutes les
extravagances de sa jeunesse, et de ses prouesses dans la rue de
Turn-Bull[51], et jamais trois mots de suite sans une menterie, plus
exactement payée à son auditeur que ne l'est l'impôt du Turc. Je me le
rappelle très-bien lorsqu'il était à Saint-Clément, comme de ces figures
qu'on fait, après souper, d'une pelure de fromage. Quand il était nu, il
n'y avait personne qui ne le prit pour une rave fourchue surmontée d'une
tête grotesquement taillée au couteau; il était si mince qu'à une vue un
peu embrouillée ses dimensions auraient été tout à fait invisibles.
C'était le spectre de la famine, et cependant lascif comme un singe. Les
catins ne l'appellaient pas autrement que Mandragore: il suivait
toujours les modes d'une lieue, et n'avait jamais de chansons à chanter
à ses mauvaises servantes d'auberges que celles qu'il entendait siffler
aux charretiers; et il vous les donnait avec serment pour des caprices
de lui, ou le fruit de ses veilles; et voilà ce sabre de bois devenu
écuyer, parlant aussi familièrement de Jean de Gaunt que s'il eût été
son camarade, et je ferais bien serment qu'il ne l'a jamais vu qu'une
fois dans sa vie: c'était dans la cour des joutes où Gaunt lui cassa la
tête pour s'être venu fourrer parmi les officiers du maréchal. Je dis,
en voyant cela, à Jean de Gaunt qu'il battait son propre nom; en effet
vous l'auriez pu fourrer tout vêtu dans une peau d'anguille: l'étui d'un
hautbois à trois corps lui eût fait une maison, un palais; et
aujourd'hui il a des terres et des bestiaux! C'est bien, je ferai
connaissance avec lui, si je reviens; et il y aura bien du malheur si je
ne m'en fais une double pierre philosophale. Si le jeune goujon fait la
nourriture du vieux brochet, je ne vois pas pourquoi, suivant toutes les
lois de la nature, je ne le happerais pas. Que l'occasion se présente,
et voilà tout.

(Il sort.)

[Note 51: La rue de Turn-Bull était le lieu le plus fréquenté par les
femmes de mauvaise vie.]

FIN DU TROISIÈME ACTE.




                           ACTE QUATRIÈME


SCÈNE I

Une forêt dans la province d'York.

L'ARCHEVÊQUE D'YORK, MOWBRAY, HASTINGS _et autres_.


L'ARCHEVÊQUE D'YORK.--Comment s'appelle cette forêt?

HASTINGS.--C'est la forêt de Galtrie, sauf le bon plaisir de Votre
Grâce.

L'ARCHEVÊQUE D'YORK.--Arrêtons-nous ici, mes lords, et envoyez à la
découverte pour reconnaître les forces de l'ennemi.

HASTINGS.--Nos espions sont déjà en campagne.

L'ARCHEVÊQUE D'YORK.--Vous avez bien fait.--Mes amis et mes collègues
dans cette grande entreprise, je dois vous apprendre que j'ai reçu de
Northumberland des lettres d'une date très-récente. Voici la teneur et
la substance de ces froides lettres. Il souhaiterait, dit-il, être ici à
la tête d'un corps digne de son rang: mais il n'en a pu trouver un assez
nombreux, et il s'est retiré en Écosse pour laisser croître et mûrir sa
fortune: il finit par demander à Dieu, de tout son coeur, que vos
efforts triomphent des hasards et de la redoutable puissance de votre
ennemi.

MOWBRAY.--Ainsi voilà les espérances que nous fondions sur lui échouées
et mises en pièces.

(Entre un messager.)

HASTINGS.--Eh bien, quelles nouvelles?

LE MESSAGER.--A l'occident de cette forêt, à moins d'un mille d'ici, les
ennemis s'avancent en bon ordre, et par l'étendue de terrain qu'ils
occupent, j'estime que leur nombre doit monter à près de trente mille
hommes.

MOWBRAY.--C'est justement ce que nous avions supposé. Marchons vers eux,
et allons les affronter sur le champ de bataille.

(Entre Westmoreland.)

L'ARCHEVÊQUE D'YORK.--Quel est ce chef armé de toutes pièces qui
s'avance droit à nous? Je crois que c'est milord Westmoreland.

WESTMORELAND.--Salut et civilités de la part de notre général, le prince
lord Jean de Lancastre.

L'ARCHEVÊQUE D'YORK.--Parlez, milord Westmoreland; expliquez-vous sans
crainte. Quel motif vous amène vers nous?

WESTMORELAND.--C'est donc à Votre Grâce, milord, que s'adressera
principalement le fond de mon discours. Si cette rébellion s'avançait
comme il lui convient, sous l'aspect d'une abjecte et vile multitude,
conduite par une jeunesse sanguinaire, animée par la fureur et soutenue
d'une troupe d'enfants et de mendiants; si, dis-je, la révolte maudite
s'offrait ainsi sous sa forme propre, naturelle et véritable, on ne vous
verrait pas, vous, mon révérend père, et tous ces nobles lords, décorer
ici de vos légitimes dignités l'ignoble forme d'une basse et sanglante
insurrection.--Vous, lord archevêque, dont le siége est appuyé sur la
paix publique, dont la paix à la main d'argent a caressé la barbe, dont
la paix a nourri la science et les bonnes lettres, dont les vêtements
offrent dans leur blancheur l'emblème de l'innocence, et figurent la
divine colombe et l'esprit saint de paix! pourquoi transformer si
malheureusement le gracieux langage de la paix en un rude et bruyant
idiome de guerre, pourquoi changer vos livres en tombeaux, votre encre
en sang, vos plumes en lances, et votre langue pieuse en une éclatante
trompette et un aiguillon de guerre?

L'ARCHEVÊQUE D'YORK.--Pourquoi je me conduis ainsi? Telle est la
question que vous me faites: je vais en peu de mots droit au but.--Nous
sommes tous malades; les excès de notre intempérance et de nos folies
ont allumé dans notre sein une fièvre ardente qui demande que notre sang
soit versé. Atteint d'une pareille maladie, notre feu roi Richard en
mourut. Cependant, mon très-noble lord Westmoreland, je ne me donne
point ici pour le médecin de ces maux, et ce n'est point en ennemi de la
paix que je me mêle dans les rangs des guerriers; mais plutôt, en
étalant pour quelques moments l'appareil menaçant de la guerre, je veux
forcer au régime des esprits ardents, fatigués de leur bonheur, et
purger un excès d'humeur qui commence à arrêter dans nos veines le
mouvement de la vie.--Je vais vous parler plus simplement. J'ai d'une
main impartiale pesé dans une juste balance les maux que peuvent causer
nos armes et les maux que nous souffrons, et je trouve nos griefs bien
plus graves que nos torts: nous voyons quelle direction suit le cours
des choses actuelles, et la violence du torrent des circonstances nous
emporte malgré nous hors de notre paisible sphère. Nous avons résumé
tous nos griefs, pour les montrer article par article quand il en sera
temps. Nous les avons, longtemps avant ceci, présentés au roi; mais tous
nos efforts n'ont pu nous obtenir audience. Lorsqu'on nous fait tort, et
que nous voulons exposer nos plaintes, l'accès à son trône nous est
fermé par les hommes mêmes qui ont le plus contribué aux injustices dont
nous nous plaignons. Ce sont les dangers des jours tout récemment
passés, et dont le souvenir est inscrit sur la terre en caractères de
sang encore visibles; ce sont les exemples que chaque heure, que l'heure
présente amène sous nos yeux, qui nous portent à revêtir ces armes si
malséantes, non pour rompre la paix, ni aucune de ses branches, mais
pour établir ici une paix qui en ait à la fois le nom et la réalité.

WESTMORELAND.--Et quand a-t-on jamais refusé d'écouter vos plaintes? En
quoi avez-vous été lésé par le roi? Quel pair a jamais été suborné pour
vous offenser, en telle sorte que vous puissiez vous croire autorisé à
sceller aujourd'hui d'un sceau divin le livre sanglant et illégitime
d'une révolte mensongère, et à consacrer l'épée cruelle de la guerre
civile?

L'ARCHEVÊQUE D'YORK.--J'ai fait ma querelle des maux de l'État, notre
frère commun, et de la cruauté exercée sur le frère né de mon sang.

WESTMORELAND.--Il n'est nullement besoin de pareille réforme, et, quand
elle serait nécessaire, ce n'est pas à vous qu'elle appartient.

MOWBRAY.--Pourquoi pas à lui, du moins en partie? Et à nous tous, qui
sentons encore les plaies du passé, et qui voyons le présent appesantir
sur nos dignités une main injuste et oppressive?

WESTMORELAND.--Oh! mon cher lord Mowbray, jugez des événements par la
nécessité des circonstances, et vous direz alors avec plus de vérité que
c'est le temps et non le roi qui vous maltraite. Et cependant, quant à
vous, je ne puis voir que, soit de la part du roi, soit de la part des
conjonctures nouvelles, vous ayez lieu le moins du monde à fonder une
plainte. N'avez-vous pas été rétabli dans toutes les seigneuries du duc
de Norfolk, votre noble père, d'honorable mémoire?

MOWBRAY.--Eh! qu'avait donc perdu mon père dans son honneur, qui eût
besoin d'être ranimé et ressuscité en moi? Le roi qui l'aimait fut
forcé, par la situation où se trouvait l'État, de l'exiler malgré lui.
Et cela, au moment où Henri Bolingbroke et lui étaient tous deux en
selle et haussés sur leurs étriers; leurs chevaux hennissaient pour
appeler l'éperon, leurs lances en arrêt, leurs visières baissées, leurs
yeux lançant le feu à travers l'acier de leurs casques, et la bruyante
trompette les animant l'un contre l'autre; alors, alors, rien ne pouvait
garantir le sein de Bolingbroke de la lance de mon père. Oh! lorsque le
roi jeta contre terre son bâton de commandement, sa vie y tenait
suspendue; il se renversa du coup, lui et tous ceux qui depuis ont péri
sous Bolingbroke, ou par jugement, ou par la pointe de l'épée.

WESTMORELAND.--Vous parlez, lord Mowbray, de ce que vous ne savez pas.
Le comte d'Hereford était réputé alors pour le plus brave gentilhomme de
l'Angleterre. Qui sait auquel des deux la fortune aurait souri? Mais
quand votre père eût obtenu la victoire, il ne l'eût pas portée hors de
Coventry; car tout le pays, d'une voix unanime, le poursuivait des cris
de sa haine; et tous les voeux, tout l'amour des citoyens se portaient
sur Hereford, qu'ils chérissaient avec passion, qu'ils bénissaient et
prisaient plus que le roi. Mais ceci n'est qu'une pure digression.--Je
viens ici, envoyé par le prince notre général, pour connaître vos
griefs, pour vous annoncer de sa part qu'il est prêt à vous donner
audience; et toutes celles de vos demandes qui paraîtront justes vous
seront accordées; on écartera tout ce qui pourrait encore vous faire
regarder comme ennemis.

MOWBRAY.--Ces offres qu'il nous fait, il nous a contraints de les lui
arracher: elles viennent de sa politique, et non de son affection.

WESTMORELAND.--Mowbray, c'est présomption de votre part que de le
prendre ainsi. Ces offres partent de sa clémence et non de sa crainte:
car, regardez bien, notre armée est à la portée de votre vue, et sur mon
honneur, elle est tout entière trop pleine de confiance pour admettre
seulement la pensée de la crainte; nos rangs comptent plus de noms
illustres que les vôtres; nos soldats sont plus aguerris; nos armures
aussi fortes, et notre cause plus juste; ainsi, la raison veut que nos
courages soient aussi bons: ne dites donc plus que nos offres sont
forcées.

MOWBRAY.--A la bonne heure, mais si l'on m'en croit, nous n'accepterons
aucune négociation.

WESTMORELAND.--Cela ne prouve autre chose que le sentiment d'une cause
coupable. Un coffre pourri ne supporte pas d'être manié.

HASTINGS.--Le prince Jean est-il revêtu de pleins pouvoirs? son père lui
a-t-il transmis son autorité pour nous entendre et régler d'une manière
stable les conditions qui seront arrêtées entre nous?

WESTMORELAND.--Le nom seul de général emporte la plénitude de ces
pouvoirs. Je m'étonne d'une question aussi frivole.

L'ARCHEVÊQUE D'YORK.--Eh bien, milord Westmoreland, prenez cet écrit: il
renferme nos plaintes générales. Que chacun de ces abus soit réformé, et
que tous ceux de notre parti qui, présents ici ou ailleurs, se trouvent
intéressés dans cette entreprise, soient déchargés de toutes recherches
par un pardon en forme légale et régulière; alors bornant nos volontés
actuelles à ce qui nous regarde, et à la réussite de nos projets, nous
rentrons aussitôt dans les bornes du respect, et nous enchaînons nos
armes au bras de la paix.

WESTMORELAND.--Je vais mettre cet écrit sous les yeux du général. Si
vous voulez, milords, nous pouvons nous joindre et nous aboucher à la
vue de nos deux armées, et tout terminer, soit par la paix, que le ciel
veuille rétablir! soit en recourant sur le lieu même de nos discussions,
aux épées qui doivent les décider.

L'ARCHEVÊQUE D'YORK.--Nous y consentons, milord.

(Westmoreland sort.)

MOWBRAY.--Quelque chose en moi me dit que les conditions de notre paix
ne peuvent jamais être solides.

HASTINGS.--Ne craignez rien: si nous pouvons la faire sur des bases
aussi larges et aussi absolues que celles que renferment nos conditions,
notre paix sera solide comme le rocher.

MOWBRAY.--Oui, mais l'opinion que le roi conservera de nous sera telle,
que la cause la plus légère, le prétexte le moins fondé, la première
idée, le plus vain soupçon, lui rappelleront toujours le souvenir de
notre révolte; et quand, avec la foi la plus loyale, nous serions les
martyrs de notre zèle pour lui, nos actions seront toujours sassées et
ressassées si rudement, que les épis les plus pesants sembleront aussi
légers que la paille, et que le bon grain ne sera jamais séparé du
mauvais.

L'ARCHEVÊQUE D'YORK.--Non, non, milord, faites bien attention.--Le roi
est las d'éplucher des torts si légers et si vains: il a reconnu qu'un
soupçon éteint par la mort en fait renaître deux plus violents sur les
héritiers de la vie qu'on a sacrifiée: il effacera donc entièrement les
noms inscrits sur ses tablettes, et ne gardera plus de témoin qui puisse
rappeler à sa mémoire le souvenir de ses pertes passées; car il sait
bien qu'il ne peut jamais, au gré de ses soupçons, purger ce royaume de
tout ce qui lui porte ombrage. Ses ennemis ont si lestement pris racine
entre ses amis, que dans ses efforts pour extirper un ennemi, il ébranle
du même coup et soulève un ami, si bien que cette nation, comme une
épouse dont les piquantes injures ont irrité sa fureur jusqu'aux coups,
au moment où il va frapper, place devant elle son enfant, et tient le
châtiment qu'il voulait lui faire subir suspendu dans la main déjà levée
sur elle.

HASTINGS.--D'ailleurs, le roi a tellement usé toutes ses verges sur les
dernières victimes qu'aujourd'hui il manque même d'instrument pour
châtier; en sorte que sa puissance, telle qu'un lion sans griffes,
menace, mais ne peut saisir.

L'ARCHEVÊQUE D'YORK.--Cela est vrai;--et soyez bien sûr, mon bon lord
maréchal, que si nous faisons bien constater aujourd'hui notre pardon,
notre paix, comme un membre rompu et rejoint, n'en deviendra que plus
solide par sa rupture.

MOWBRAY.--Allons, soit; voici milord Westmoreland qui revient vers nous.

(Rentre Westmoreland.)

WESTMORELAND.--Le prince est à quelques pas d'ici. Vous plaît-il,
milords, de venir joindre Sa Grâce à une distance égale de nos deux
armées?

MOWBRAY.--Monseigneur York, au nom de Dieu, avancez le premier.

L'ARCHEVÊQUE D'YORK.--Prévenez-moi et saluez le prince.--(_A
Westmoreland._) Milord nous vous suivons.

(Ils sortent.)


SCÈNE II

Une autre partie de la forêt.

_D'un côté entrent_ MOWBRAY, L'ARCHEVÊQUE D'YORK, HASTINGS _et d'autres
lords; de l'autre_ LE PRINCE JEAN DE LANCASTRE, WESTMORELAND, _des
officiers, suite._


LANCASTRE.--Mon cousin Mowbray, je me félicite de vous rencontrer
ici.--Salut, mon cher lord archevêque.--Et à vous aussi, lord
Hastings.--Salut à tous.--Milord York, vous paraissiez plus à votre
avantage, lorsqu'en cercle autour de vous, votre troupeau assemblé au
son de la cloche écoutait avec respect vos instructions sur le texte des
livres saints, que vous ne vous montrez aujourd'hui sous la figure d'un
homme de fer, excitant, au bruit de vos tambours, une multitude de
rebelles, changeant la parole en glaive et la mort en vie. Si l'homme
qui occupe une place dans le coeur du monarque, qui prospère sous les
rayons de sa faveur, voulait abuser du nom de son roi, hélas! à combien
de méfaits ne pourrait-il pas ouvrir la carrière sous l'ombre d'une
telle puissance?--C'est ce qui vous arrive, lord archevêque.--Qui n'a
entendu dire cent fois combien vous étiez versé dans les livres de Dieu?
Vous étiez à nos yeux l'orateur de son parlement; vous étiez, à ce qu'il
nous semblait, la voix de Dieu lui-même; vous étiez l'interprète et le
négociateur entre les saintes puissances du ciel et nos oeuvres de
ténèbres. Oh! qui jamais pourra croire que vous abusiez du saint respect
attaché à votre place, et que vous employiez la faveur et la grâce du
ciel, comme un favori perfide le nom de son prince, à des actes
déshonorants? Vous avez, sous le masque du zèle de la cause de Dieu,
enrôlé les sujets de mon père, son lieutenant sur la terre, et vous les
avez ameutés ici contre la paisible autorité du ciel et du roi.

L'ARCHEVÊQUE D'YORK.--Mon noble lord Lancastre, je ne suis point ici
armé contre l'autorité de votre père; mais, comme je l'ai dit à milord
Westmoreland, c'est le mauvais gouvernement des temps actuels qui, d'un
commun accord, nous assemble et nous oblige à nous serrer sous cette
forme irrégulière, pour maintenir notre sûreté. J'ai envoyé à Votre
Grâce le détail et les articles de nos griefs, ceux que la cour a
repoussés avec mépris, et qui ont produit cette hydre, fille monstrueuse
de la guerre. Vous pouvez fermer d'un sommeil magique ses yeux
menaçants, en nous accordant nos justes et légitimes demandes; et
aussitôt la fidèle obéissance, guérie de cette fureur insensée,
s'abaissera avec soumission aux pieds de la majesté.

MOWBRAY.--Sur le refus, nous sommes résolus d'essayer notre fortune,
jusqu'à ce que le dernier de nous périsse.

HASTINGS.--Et quand nous péririons ici, d'autres nous suppléeront dans
une seconde tentative; s'ils succombent, ils en auront d'autres pour les
suppléer à leur tour: ainsi se perpétuera une succession de malheurs, et
d'héritiers en héritiers cette querelle se transmettra tant que
l'Angleterre verra naître des générations nouvelles.

LANCASTRE.--Vous êtes trop léger, Hastings, infiniment trop léger pour
sonder ainsi la profondeur des siècles à venir.

WESTMORELAND.--Votre Grâce voudrait-elle leur répondre positivement et
leur dire jusqu'à quel point vous approuvez leurs articles?

LANCASTRE.--Je les approuve tous et je les accorde volontiers, et je
jure ici par l'honneur de mon sang, que les intentions de mon père ont
été mal interprétées; je conviens aussi que quelques-uns de ceux qui
l'entourent ont outre-passé ses intentions et abusé de son autorité.
Milord, ces griefs seront redressés sans délai; sur mon âme, ils le
seront. Veuillez renvoyer vos troupes dans leurs différents comtés,
comme nous allons faire nous-mêmes; et ici, entre les deux armées,
embrassons-nous et buvons ensemble comme des amis, afin que tous nos
soldats puissent reporter chez eux ce qu'ils auront vu par leurs yeux,
des témoignages de notre réconciliation et de notre amitié.

L'ARCHEVÊQUE D'YORK.--Je reçois votre parole de prince de réformer ces
abus.

LANCASTRE.--Je vous la donne et je la tiendrai; et sur cette promesse,
je porte cette santé à Votre Grâce.

HASTINGS, _à un officier_.--Allez, capitaine, et annoncez à nos soldats
les nouvelles de la paix; qu'ils reçoivent leur solde et qu'ils partent:
je sais qu'ils en seront très-satisfaits.--Hâte-toi, capitaine.

(Le capitaine sort.)

L'ARCHEVÊQUE D'YORK.--A vous, mon noble lord Westmoreland.

WESTMORELAND.--Je vous fais raison; et si vous saviez combien il m'en a
coûté de peines pour former cette paix, vous boiriez à ma santé de grand
coeur; mais mon amitié pour vous se fera bientôt mieux connaître.

L'ARCHEVÊQUE D'YORK.--Je n'en doute point.

WESTMORELAND.--J'en suis bien joyeux.--A votre santé, mon cher cousin,
lord Mowbray.

MOWBRAY.--Vous me souhaitez la santé fort à propos; car je viens de me
sentir tout d'un coup assez malade.

L'ARCHEVÊQUE D'YORK.--Avant un malheur les hommes se sentent toujours
joyeux: mais la tristesse est un présage de bonheur.

WESTMORELAND.--Eh bien, cher cousin, soyez donc gai, puisqu'une
tristesse soudaine doit faire supposer qu'il vous arrivera demain
quelque bonheur.

L'ARCHEVÊQUE D'YORK.--Croyez-moi, je me sens l'esprit plus léger que
jamais.

MOWBRAY.--Tant pis, si votre règle est juste.

(Acclamation derrière le théâtre.)

LANCASTRE.--On vient de leur annoncer la paix: écoutez; quelles
acclamations!

MOWBRAY.--Ces cris eussent été bien réjouissants après la victoire.

L'ARCHEVÊQUE D'YORK.--Une paix est une conquête. Les deux partis sont
noblement vaincus sans qu'aucun y perde.

LANCASTRE, _à Westmoreland_.--Allez, milord, qu'on licencie aussi notre
armée. (_Westmoreland sort._)--(_À York_.) Et consentez, mon digne lord,
à ce que les troupes défilent devant nous, afin que nous apprenions par
nos yeux à quels hommes nous aurions eu affaire.

L'ARCHEVÊQUE D'YORK, _à Hastings_.--Lord Hastings, allez, et avant de
licencier nos soldats, qu'on les fasse défiler près de nous.

(Hastings sort.)

LANCASTRE.--Je me flatte, milord, que nous reposerons ensemble cette
nuit. (_Rentre Westmoreland._) Eh bien, cousin, pourquoi notre armée
demeure-t-elle sous les armes?
                
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