William Shakespear

Henri VI (3/3)
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LE ROI.--Oh! je n'ai point cette crainte. On sait combien j'ai mérité
d'eux. Je n'ai point fermé l'oreille à leurs demandes, ni prolongé leur
attente par de longs délais; ma pitié a toujours versé sur leurs
blessures un baume salutaire, et ma bonté a soulagé le chagrin qui
gonflait leur coeur; ma miséricorde a séché les flots de leurs larmes:
je n'ai point convoité leurs richesses; je ne les ai point accablés de
très-forts subsides; je ne me suis point montré ardent à la vengeance,
quoiqu'ils m'aient souvent offensé; ainsi, pourquoi aimeraient-ils
Édouard plus que moi? Non, Exeter, ces bienfaits réclament leur
bienveillance; et tant que le lion caresse l'agneau, l'agneau ne cessera
de le suivre.

(On entend derrière le théâtre ces cris: _A Lancastre! à Lancastre!_)

EXETER.--Écoutez, écoutez, seigneur; quels sont ces cris?

(Entrent le roi Édouard, Glocester, et des soldats.)

ÉDOUARD.--Saisissez cet Henri au visage timide; emmenez-le d'ici, et
proclamez-nous une seconde fois roi d'Angleterre. (_A Henri_.) Tu es la
fontaine qui fournit à quelques petits ruisseaux; mais voilà ta source:
mon Océan va absorber toutes les eaux de tes ruisseaux desséchés, et se
grossir de leurs flots.--Conduisez-le à la Tour, et ne lui donnez pas le
temps de répliquer. (_Quelques soldats sortent emmenant le roi Henri_.)
Allons, lords; dirigeons notre marche vers Coventry, où est actuellement
le présomptueux Warwick. Le soleil est ardent; si nous différons, le
froid mordant de l'hiver viendra flétrir toutes nos espérances de
récolte.

GLOCESTER.--Partons, sans perdre de temps, avant que leurs forces se
joignent, et surprenons ce traître devenu si puissant. Braves guerriers,
marchons en toute hâte vers Coventry.

(Ils sortent.)

FIN DU QUATRIÈME ACTE.




                           ACTE CINQUIÈME




SCÈNE I

A Coventry.

_Paraissent sur les murs de la ville_ WARWICK, LE MAIRE _de Coventry_,
DEUX MESSAGERS _et autres personnages_.


WARWICK.--Où est le courrier qui nous est envoyé par le vaillant
Oxford?--(_Au messager_.) A quelle distance de cette ville est ton
maître, mon brave homme?

PREMIER MESSAGER.--En deçà de Dunsmore; il marche vers ces lieux.

WARWICK.--Et notre frère Montaigu, à quelle distance est-il?--Où est
l'homme arrivé de la part de Montaigu?

LE SECOND MESSAGER.--En deçà de Daintry; il amène un nombreux
détachement.

(Entre sir John Somerville.)

WARWICK.--Eh bien, Somerville, que dit mon cher gendre? Et à ton avis,
où peut être actuellement Clarence?

SOMERVILLE.--Je l'ai laissé à Southam avec sa troupe, et je l'attends
ici dans deux heures environ.

(On entend des tambours.)

WARWICK.--C'est donc Clarence qui s'approche? J'entends ses tambours.

SOMERVILLE.--Ce n'est pas lui, milord. Southam est là, et les tambours
qu'entend Votre Honneur viennent du côté de Warwick.

WARWICK.--Qui donc serait-ce? Apparemment des amis que nous n'attendions
pas.

SOMERVILLE.--Ils sont tout près, et vous allez bientôt les reconnaître.

(Tambours. Entrent au pas de marche le roi Édouard, Glocester et leur
armée.)

LE ROI ÉDOUARD.--Trompette, avance vers les murs, et sonne un
pourparler.

GLOCESTER.--Voyez comme le sombre Warwick garnit les remparts de
soldats!

WARWICK.--O chagrin inattendu! quoi, le frivole Édouard est déjà arrivé!
Qui donc a endormi nos espions, ou qui les a séduits, que nous n'ayons
eu aucune nouvelle du lieu de son séjour?

LE ROI ÉDOUARD.--Maintenant, Warwick, si tu veux ouvrir les portes de la
ville, prendre un langage soumis, fléchir humblement le genou,
reconnaître Édouard pour roi, et implorer sa clémence, il te pardonnera
tous tes outrages.

WARWICK.--Songe plutôt à retirer ton armée et à t'éloigner de ces
murs.--Reconnais celui qui te donna la couronne, et qui te l'a reprise:
appelle Warwick ton patron; repens-toi, et tu resteras encore duc
d'York.

GLOCESTER, _à Édouard_.--Je croirais qu'au moins il aurait dit roi;
cette plaisanterie lui serait-elle échappée contre sa volonté?

WARWICK.--Un duché n'est-il donc pas un beau présent?

GLOCESTER.--Oui, par ma foi, c'est un beau présent à faire pour un
pauvre comte: je me tiens ton obligé pour un si beau don.

WARWICK.--Ce fut moi qui fis don du royaume à ton frère.

LE ROI ÉDOUARD.--Eh bien, il est donc à moi, ne fût-ce que par le don
que m'en a fait Warwick.

WARWICK.--Tu n'es pas l'Atlas qui convient à un pareil fardeau; et
voyant ta faiblesse, Warwick te reprend ses dons. Henri est mon roi, et
Warwick est son sujet.

LE ROI ÉDOUARD.--Mais le roi de Warwick est le prisonnier d'Édouard.
Réponds à ceci, brave Warwick: que devient le corps quand la tête est
ôtée?

GLOCESTER.--Hélas! comment Warwick a-t-il eu si peu d'habileté que,
tandis qu'il s'imaginait prendre un dix seul, le roi ait été subitement
escamoté du jeu?--Vous avez laissé le pauvre Henri dans le palais de
l'évêque; et dix contre un à parier que vous vous retrouverez avec lui
dans la Tour.

LE ROI ÉDOUARD.--C'est la vérité: et cependant vous êtes toujours
Warwick.

GLOCESTER.--Allons, Warwick, profite du moment: à genoux, à
genoux.--Qu'attends-tu? frappe le fer pendant qu'il est chaud.

WARWICK.--J'aimerais mieux me couper d'un seul coup cette main, et, de
l'autre, te la jeter au visage, que de me croire assez bas pour être
obligé de baisser pavillon devant toi.

LE ROI ÉDOUARD.--Fais force de voiles, aie les vents et la marée
favorables. Cette main, bientôt entortillée dans tes cheveux noirs comme
le charbon, saisira le moment où ta tête sera encore chaude et
nouvellement coupée, pour écrire avec ton sang sur la poussière ces
mots: _Warwick, inconstant comme le vent, maintenant ne peut plus
changer_.

(Entre Oxford avec des tambours et des drapeaux.)

WARWICK.--O couleurs dont la vue me réjouit! Voyez, c'est Oxford qui
s'avance!

OXFORD.--Oxford! Oxford! Pour Lancastre!

GLOCESTER.--Les portes sont ouvertes: entrons avec eux.

LE ROI ÉDOUARD.--Non; d'autres ennemis peuvent nous attaquer par
derrière. Tenons-nous en bon ordre; car, n'en doutons pas, ils vont
faire une sortie, et nous offrir la bataille. Sinon, la ville ne peut
tenir longtemps, et nous y aurons bientôt pris tous les traîtres.

WARWICK.--Oh! tu es le bienvenu, Oxford! car nous avons besoin de ton
secours.

(Entre Montaigu avec des tambours et des drapeaux.)

MONTAIGU.--Montaigu, Montaigu. Pour Lancastre!

GLOCESTER.--Ton frère et toi vous payerez cette trahison du meilleur
sang que vous ayez dans le corps.

LE ROI ÉDOUARD.--Plus l'ennemi sera fort, plus la victoire sera
complète; un secret pressentiment me présage le succès et la conquête.

(Entre Somerset avec des tambours et des drapeaux.)

SOMERSET.--Somerset, Somerset. Pour Lancastre!

GLOCESTER.--Deux hommes de ton nom, tous deux ducs de Somerset, ont payé
de leur vie leurs comptes avec la maison d'York. Tu seras le troisième,
si cette épée ne manque pas dans mes mains.

(Entre George avec des tambours et des drapeaux.)

WARWICK.--Tenez, voilà George de Clarence, qui fait voler la poussière
sous ses pas; assez fort à lui seul pour livrer bataille à son frère. Un
juste zèle pour le bon droit l'emporte, dans son coeur, sur la nature et
l'amour fraternel.--Viens, Clarence, viens: tu seras docile à la voix de
Warwick.

CLARENCE.--Beau-père Warwick, comprenez-vous ce que cela veut dire? (_Il
arrache la rose rouge de son casque_.) Vois, je rejette à ta face mon
infamie. Je n'aiderai pas à la ruine de la maison de mon père, qui en a
cimenté les pierres de son sang, pour élever celle de
Lancastre.--Comment as-tu pu croire, Warwick, que Clarence fût assez
sauvage, assez stupide, assez dénaturé, pour tourner les funestes
instruments de la guerre contre son roi légitime? Peut-être
m'objecteras-tu mon serment religieux: mais le tenir, ce serment, serait
un acte plus impie que ne fut celui de Jephté sacrifiant sa fille. J'ai
tant de douleur de ma faute, que, pour bien mériter de mon frère, je me
déclare ici solennellement ton ennemi mortel; déterminé, quelque part
que je te joigne, comme j'espère bien te joindre si tu sors de tes murs,
à te punir de m'avoir si odieusement égaré.--Ainsi, présomptueux
Warwick, je te défie, et je tourne vers mon frère mes joues
rougissantes.--Pardonne-moi, Édouard; j'expierai mes torts: et toi,
Richard, ne jette plus sur mes fautes un regard sévère; désormais, je ne
serai plus inconstant.

LE ROI ÉDOUARD.--Sois donc encore mieux le bienvenu, et dix fois plus
cher que si tu n'avais jamais mérité notre haine.

GLOCESTER.--Sois le bienvenu, bon Clarence: c'est là se conduire en
frère.

WARWICK.--O insigne traître! parjure et rebelle!

LE ROI ÉDOUARD.--Eh bien, Warwick, veux-tu quitter tes murs et
combattre? ou nous allons en faire tomber les pierres sur ta tête.

WARWICK.--Hélas! je ne suis pas ici en état de me défendre. Je marche à
l'instant vers Barnet, pour te livrer bataille, Édouard, si tu oses
l'accepter.

LE ROI ÉDOUARD.--Oui, Warwick: Édouard l'ose, et il te montre le
chemin.--Lords, en plaine. Saint George et victoire!

(Marche. Il sortent tous.)




SCÈNE II

Un champ de bataille, près de Barnet.

_Alarmes. Excursions. Entre_ LE ROI ÉDOUARD _traînant_ WARWICK _blessé_.


LE ROI ÉDOUARD.--Reste là gisant: meurs, et qu'avec toi meurent nos
alarmes. Warwick était l'épouvantail qui nous remplissait tous de
crainte: et toi, Montaigu, tiens-toi bien; je te cherche, pour que tes
os tiennent compagnie à ceux de Warwick.

(Il sort.)

WARWICK, _reprenant ses sens_.--Ah! qui est près de moi? Ami ou ennemi,
approche, et apprends-moi qui est vainqueur d'York ou de Warwick. Mais
que demandé-je là? On voit bien à mon corps mutilé, à mon sang, à mes
forces éteintes, à mon coeur défaillant, on voit bien qu'il faut que
j'abandonne mon corps à la terre, et, par ma chute, la victoire à mon
ennemi. Ainsi tombe, sous le tranchant de la cognée, le cèdre qui de ses
bras protégeait l'asile de l'aigle, roi des airs; qui voyait le lion
dormir étendu sous son ombrage; dont la cime s'élevait au-dessus de
l'arbre touffu de Jupiter, et défendait les humbles arbrisseaux des
vents puissants de l'hiver.--

Ces yeux, qu'obscurcissent en ce moment les sombres voiles de la mort,
étaient perçants comme le soleil du midi, pour pénétrer les secrètes
embûches des mortels. Ces plis de mon front, maintenant remplis de sang,
ont été souvent appelés les tombeaux des rois: car quel roi respirait
alors dont je n'eusse pu creuser la tombe? et qui eût osé sourire quand
Warwick fronçait le sourcil? Voilà toute ma gloire souillée de sang et
de poussière. Mes parcs, mes allées, ces manoirs qui m'appartenaient,
m'abandonnent déjà: de toutes mes terres, il ne me reste que la mesure
de mon corps. Eh! que sont la pompe, la puissance, l'empire et le
sceptre, que terre et que poussière? Vivons comme nous pourrons, il faut
toujours mourir.

(Entrent Oxford et Somerset.)

SOMERSET.--Ah! Warwick, Warwick! si tu étais en aussi bon état que nous,
nous pourrions encore réparer toutes nos pertes. La reine vient d'amener
de France un puissant secours: nous en recevons à l'instant la nouvelle.
Ah! si tu pouvais fuir!

WARWICK.--Alors je ne fuirais pas.--Ah! Montaigu, si tu es là, cher,
prends ma main, et de tes lèvres retiens encore mon âme pendant quelques
instants.--Tu ne m'aimes pas; car si tu m'aimais, mon frère, tes lèvres
laveraient ce sang froid et glacé qui colle mes lèvres, et m'empêche de
parler. Hâte-toi, Montaigu! approche, ou je meurs.

SOMERSET.--Ah! Warwick! Montaigu a cessé de respirer; et à son dernier
soupir il appelait Warwick, et disait: Parlez de moi à mon valeureux
frère. Il aurait voulu en dire davantage, mais ses paroles, semblables
au canon résonnant sous la voûte d'un tombeau, devenaient impossibles à
distinguer; cependant à la fin j'ai bien entendu, dans son dernier
gémissement, ces mots: Oh! adieu, Warwick.

WARWICK.--Que son âme repose en paix!--Fuyez, chers lords, et
sauvez-vous. Warwick vous dit adieu pour ne vous revoir que dans le
ciel.

(Il meurt.)

OXFORD.--Allons, partons; courons joindre la puissante armée de la
reine.

(Ils sortent, emportant le corps de Warwick.)




SCÈNE III

Une autre partie du champ de bataille.

_Fanfares. Entre_ LE ROI ÉDOUARD _triomphant, avec_ GLOCESTER, GEORGE,
_et les autres lords._


LE ROI ÉDOUARD.--Ainsi notre fortune prend un cours élevé et ceint nos
fronts des lauriers de la victoire. Mais, au milieu de l'éclat de ce
jour brillant, j'aperçois un nuage noir, redoutable et menaçant, qui va
se placer sur la route de notre glorieux soleil, avant qu'il ait pu
atteindre à l'occident sa paisible couche. Je parle, milords, de cette
armée que la reine a levée en France, et qui, débarquée sur nos côtes,
marche, à ce que j'apprends, pour nous combattre.

GEORGE.--Un léger souffle aura bientôt dissipé ce nuage, et le renverra
vers les régions d'où il est parti; tes rayons auront bientôt absorbé
ces vapeurs, et toutes les nuées n'apportent pas la tempête.

GLOCESTER.--On évalue à trente mille hommes l'armée de la reine; et
Somerset et Oxford ont fui vers elle. Si on lui donne le temps de
respirer, soyez sûr que son parti deviendra aussi puissant que le nôtre.

LE ROI ÉDOUARD.--Nous sommes informés par des amis fidèles qu'ils
dirigent leur marche vers Tewksbury. Vainqueurs dans les champs de
Barnet, il faut les joindre sans délai. L'ardeur de la volonté abrège la
route, et, à mesure que nous avancerons, nous verrons nos forces
s'accroître de celles de tous les comtés que nous traverserons.--Battez
le tambour, criez: _Courage!_ et partons.

(Ils sortent.)




SCÈNE IV

Plaine près de Tewksbury.

_Marche. Entre_ LA REINE MARGUERITE, LE PRINCE ÉDOUARD, SOMERSET,
OXFORD, _soldats_.


MARGUERITE.--Illustres lords, les hommes sages ne restent point oisifs à
gémir sur leurs disgrâces, mais cherchent courageusement à réparer leurs
malheurs. Bien que le mât de notre vaisseau ait été emporté, nos câbles
rompus, la plus forte de nos ancres perdue, et la moitié de nos
mariniers engloutie dans les flots, le pilote vit encore. Convient-il
qu'il abandonne le gouvernail, et que, comme un enfant timide,
grossissant de ses larmes les flots de la mer, il donne des forces à ce
qui n'en a déjà que trop; tandis que, pendant ses gémissements, va se
briser sur l'écueil le vaisseau que son courage et son industrie
auraient pu sauver encore? Ah! quelle honte! quelle faute serait-ce!...
Vous me dites que Warwick était l'ancre de notre vaisseau; qu'importe?
Que Montaigu en était le grand mât; eh bien? Que tant de nos amis
égorgés en étaient les cordages; ensuite? Ne trouvons-nous pas une
seconde ancre dans Oxford, un mât robuste dans Somerset, des voiles et
des cordages dans ces guerriers de la France? Et, malgré notre
inexpérience, Ned et moi ne pouvons-nous remplir une fois l'emploi de
pilote? Ne craignez pas que nous quittions le gouvernail pour aller nous
asseoir en pleurant; dussent les vents furieux nous dire _non_, nous
continuerons notre route loin des écueils qui nous menacent du naufrage.
Autant vaut gourmander les vagues que de leur parler en douceur. Édouard
offre-t-il donc autre chose à nos yeux qu'une mer impitoyable, Clarence
des sables perfides, et Richard un rocher raboteux et funeste? tous
ennemis de notre pauvre barque! Vous croyez pouvoir fuir à la nage?
hélas! un moment; prendre pied sur le sable? il s'abaissera sous vos
pas; gravir l'écueil? la marée viendra vous en balayer, ou vous y
mourrez de faim, ce qui est une triple mort! Ce que je vous dis,
milords, est dans l'intention de vous faire comprendre que, si quelqu'un
de vous voulait nous abandonner, vous n'avez pas plus de merci à espérer
de ces trois frères, que des vagues impitoyables, des sables et des
rochers: courage donc. Quand le péril est inévitable, c'est une
faiblesse puérile de s'affliger ou de craindre.

LE PRINCE ÉDOUARD.--Il me semble qu'une femme d'une âme aussi intrépide,
si un lâche l'eut entendue prononcer ces paroles, verserait le courage
dans son coeur, et lui ferait affronter nu un ennemi armé. Ce n'est pas
que je doute d'aucun de ceux qui sont ici; car si je croyais que
quelqu'un fût atteint de frayeur, il aurait permission de nous quitter à
présent, de crainte qu'au moment du danger sa peur ne devint contagieuse
pour un autre, et ne le rendit semblable à lui. S'il en est un ici, ce
qu'à Dieu ne plaise, qu'il se hâte de partir, avant que nous ayons
besoin de son secours.

OXFORD.--Une femme, un enfant si pleins de courage: et de vieux
guerriers auraient peur! Ce serait un opprobre éternel. O brave jeune
prince, ton illustre aïeul revit en toi! Puisses-tu voir de longs jours,
pour nous retracer son image, et renouveler sa gloire?

SOMERSET.--Que le lâche qui refuserait de combattre dans cette espérance
aille chercher son lit, et soit comme le hibou un objet de risée et
d'étonnement toutes les fois qu'il voudra se montrer le jour!

MARGUERITE.--Je vous remercie, noble Somerset. Cher Oxford, je vous
remercie.

LE PRINCE ÉDOUARD.--Et agréez les remercîments de celui qui n'a pas
autre chose à donner.

(Entre un messager.)

LE MESSAGER.--Préparez-vous, lords. Édouard est à deux pas, tout prêt à
vous livrer bataille: armez-vous de résolution.

OXFORD.--Je m'y attendais. C'est sa politique de forcer ses marches,
pour tâcher de nous surprendre.

SOMERSET.--Il se sera trompé: nous sommes prêts à le recevoir.

MARGUERITE.--Votre ardeur remplit mon coeur de confiance et de joie.

OXFORD.--Nous ne reculerons pas. Plantons ici nos étendards.

(Entrent à quelque distance le roi Édouard, Glocester, George et des
troupes.)

LE ROI ÉDOUARD, _à ses soldats_.--Braves compagnons, vous voyez là-bas
le bois épineux qu'avec l'aide du ciel et vos bras nous espérons avoir
déraciné avant que la nuit soit venue. Je n'ai pas besoin de donner de
nouveaux aliments à l'ardeur qui vous enflamme, car je vois que vous
brûlez de le consumer. Donnez le signal du combat, milords, et
chargeons.

MARGUERITE.--Lords, chevaliers, gentilshommes... mes larmes s'opposent à
mon discours... Vous le voyez, à chaque mot que je prononce, les pleurs
de mes yeux viennent m'abreuver... Je ne vous dirai donc que
ceci:--Henri, votre souverain, est prisonnier de l'ennemi; son trône est
usurpé, son royaume est devenu une boucherie; ses sujets sont massacrés,
ses édits effacés, ses trésors pillés, et là-bas est le loup qui cause
tout ce dégât! Vous combattez pour la justice: ainsi, au nom de Dieu,
lords, montrez-vous vaillants, et donnez le signal du combat.

(Sortent les deux armées.)




SCÈNE V

Une autre partie des mêmes plaines.

_Alarmes, excursions, puis une retraite. Ensuite entrent_ LE ROI
ÉDOUARD, GLOCESTER, CLARENCE, _et des troupes conduisant_ LA REINE
MARGUERITE, OXFORD ET SOMERSET _prisonniers_.


LE ROI ÉDOUARD.--Enfin nous voilà au terme de ces tumultueux démêlés.
Qu'Oxford soit conduit sur-le-champ au château de Hammes. Pour Somerset,
qu'on tranche sa tête criminelle. Allez, qu'on les emmène; je ne veux
rien entendre.

OXFORD.--Pour moi, je ne t'importunerai pas de mes paroles.

SOMERSET.--Ni moi; je me soumets à mon sort avec résignation.

(Les gardes emmènent Oxford et Somerset.)

MARGUERITE.--Nous nous quittons tristement dans ce monde agité, pour
nous rejoindre plus heureux dans les joies de Jérusalem.

LE ROI ÉDOUARD.--A-t-on publié qu'on promet à celui qui trouvera Édouard
une riche récompense, et au prince la vie sauve?

GLOCESTER.--Oui, et voilà le jeune Édouard qui arrive.

(Entrent des soldats amenant le prince Édouard.)

LE ROI ÉDOUARD.--Faites approcher ce brave: je veux l'entendre.--Quoi!
qui aurait pensé qu'une si jeune épine voulût déjà piquer? Édouard,
quelle satisfaction peux-tu m'offrir, pour avoir pris les armes contre
moi, pour avoir excité mes sujets à la révolte, et pour toute la peine
que tu m'as donnée?

LE PRINCE.--Parle en sujet, superbe et ambitieux York! Suppose que tu
entends la voix de mon père: descends du trône, et quand j'y serai
assis, tombe à mes pieds, pour répondre toi-même, traître, aux questions
que tu viens de me faire.

MARGUERITE.--Ah! que ton père n'a-t-il eu ton courage!...

GLOCESTER.--Afin que tu continuasses de porter la jupe et que tu ne
prisses pas le haut-de-chausses dans la maison de Lancastre.

LE PRINCE ÉDOUARD.--Qu'Ésope garde ses contes pour une veillée d'hiver:
ses grossiers quolibets ne sont point ici de saison.

GLOCESTER.--Par le ciel, morveux, cette parole t'attirera malheur.

MARGUERITE.--Oh! oui, tu ne naquis que pour le malheur des hommes.

GLOCESTER.--Pour Dieu, qu'on nous délivre de cette captive insolente.

LE PRINCE ÉDOUARD.--Qu'on nous délivre plutôt de cet insolent bossu.

LE ROI ÉDOUARD.--Paix, enfant mutin, ou je saurai enchaîner votre
langue.

CLARENCE.--Jeune mal appris, ton audace va trop loin.

LE PRINCE ÉDOUARD.--Je connais mon devoir: vous tous vous manquez au
vôtre. Lascif Édouard, et toi, parjure Clarence, et toi, difforme Dick,
je vous déclare à tous que je suis votre supérieur, traîtres que vous
êtes.--Et toi, tu usurpes les droits de mon père et les miens.

LE ROI ÉDOUARD _lui donne un coup d'épée_.--Prends cela, vivant portrait
de cette femme criarde[15].

[Note 15: Édouard le frappa de son gantelet; alors les autres se
jetèrent sur lui et le massacrèrent.]

GLOCESTER _lui donne un coup d'épée_.--Tu as de la peine à mourir;
prends cela pour finir ton agonie.

CLARENCE _lui donne un coup d'épée_.--Et voilà pour m'avoir insulté du
nom de parjure.

MARGUERITE.--Oh! tuez-moi aussi.

GLOCESTER, _allant pour la tuer_.--Vraiment je le veux bien.

LE ROI ÉDOUARD.--Arrête, Richard, arrête; nous n'en avons que trop fait.

GLOCESTER.--Pourquoi la laisser vivre? Pour remplir l'univers de ses
discours.

LE ROI ÉDOUARD.--Elle s'évanouit; voyez à la faire revenir.

GLOCESTER, _bas à Clarence_.--Clarence, excuse mon absence auprès du roi
mon frère: je cours à Londres pour une affaire importante; avant que
vous y soyez rentrés, comptez que vous apprendrez d'autres nouvelles.

CLARENCE.--Quoi donc? quoi donc?

GLOCESTER.--La tour! la Tour!

(Il sort.)

MARGUERITE.--O Ned! Ned! parle à ta mère, mon fils.--Tu ne peux
parler?--O traîtres! ô assassins! Non, les meurtriers de César n'ont pas
versé le sang, ils n'ont pas commis de crime, ils n'ont mérité aucun
blâme, si l'on compare leur action à cet affreux forfait. César était un
homme, et lui pour ainsi dire un enfant! et jamais les hommes n'ont
déchargé leur furie sur un enfant. Quel nom plus odieux que celui de
meurtrier pourrais-je trouver à vous donner? Non, non, mon coeur va se
briser si je parle.--Eh bien, je parlerai pour qu'il se brise, bouchers
infâmes, sanguinaires cannibales! Quelle aimable fleur vous avez
moissonnée avant le temps! Vous n'avez point d'enfants, bouchers que
vous êtes; si vous en aviez, leur souvenir eût éveillé en vous la pitié.
Ah! si jamais vous avez un fils, comptez que vous le verrez ainsi
massacrer dans sa jeunesse! Ah! bourreaux, qui avez immolé cet aimable
et jeune prince!...

LE ROI ÉDOUARD.--Emmenez-la, allez, emmenez-la de force.

MARGUERITE.--Non, que je ne m'éloigne jamais de cette place; tuez-moi
ici: tire ton épée; je te pardonne ma mort. Quoi! tu me refuses?...
Clarence, que ce soit donc toi...

CLARENCE.--Par le Ciel, je ne veux pas te rendre un si grand service.

MARGUERITE.--Bon Clarence, tue-moi; cher Clarence, je t'en conjure.

CLARENCE.--Ne viens-tu pas de m'entendre jurer que je n'en ferais rien?

MARGUERITE.--Oui, mais tu es si accoutumé à être parjure! Ton premier
parjure était un crime; celui-ci serait une charité. Quoi! tu ne le veux
pas? Où est ce boucher d'enfer, le hideux Richard? Richard, où es-tu
donc?--Tu n'es pas ici. Le meurtre est ton oeuvre de miséricorde; tu ne
refusas jamais celui qui te demanda du sang.

LE ROI ÉDOUARD.--Qu'elle s'en aille! Je vous l'ordonne! Emmenez-la
d'ici.

MARGUERITE.--Puisse-t-il, à vous et aux vôtres, vous en arriver autant
qu'à ce prince!

(On l'entraîne de force.)

LE ROI ÉDOUARD.--Où donc est allé Richard?

GEORGE.--A Londres en toute hâte; et je conjecture qu'il est allé faire
un souper sanglant à la Tour.

LE ROI ÉDOUARD.--Il ne perd pas de temps quand une idée lui vient en
tête.--Allons, mettons-nous en marche. Licenciez les hommes de basse
condition avec des remercîments et leur paye; et rendons-nous à Londres
pour savoir des nouvelles de notre aimable reine: j'espère qu'à l'heure
qu'il est, elle m'a donné un fils.




SCÈNE VI

A Londres.--Une chambre dans la Tour.

_On voit_ LE ROI HENRI, _assis avec un livre à la main; le lieutenant
est avec lui. Entre_ GLOCESTER.


GLOCESTER.--Bonjour, milord. Comment, si profondément absorbé dans votre
livre!

LE ROI.--Oui, mon bon lord, ou plutôt milord; car c'est pécher que de
flatter; et bon ne vaut guère mieux ici qu'une flatterie: bon Glocester,
ou bon démon, seraient synonymes, et tous les deux seraient absurdes,
ainsi je dis, milord qui n'êtes pas bon.

GLOCESTER, _au lieutenant_.--Ami, laissez-nous seuls! nous avons à
conférer ensemble.

(Le lieutenant sort.)

LE ROI.--Ainsi le berger négligent fuit devant le loup; ainsi
l'innocente brebis abandonne d'abord sa toison, et bientôt après sa
gorge au couteau du boucher. Quelle scène de mort va jouer Roscius?

GLOCESTER.--Le soupçon poursuit toujours l'âme coupable: le voleur croit
dans chaque buisson voir le prévôt.

LE ROI.--L'oiseau qui a trouvé dans le buisson des rameaux chargés de
glu ne passe plus que d'une aile tremblante à côté de tous les buissons:
et moi, père malheureux d'un doux oiseau, j'ai maintenant devant mes
yeux l'objet fatal par qui mon pauvre enfant a été retenu au piège, pris
et tué.

GLOCESTER.--Quel orgueilleux insensé que ce père de Crète qui voulut
enseigner à son fils le rôle d'un oiseau! Avec ses belles ailes,
l'imbécile s'est noyé.

LE ROI.--Je suis Dédale, mon pauvre enfant était Icare, ton père Minos,
qui s'est opposé à ce que nous suivissions notre carrière; le soleil qui
a dévoré les ailes de mon cher enfant, c'est ton frère Édouard; et tu es
la mer dont les gouffres envieux ont englouti sa vie. Ah! tue-moi de ton
épée, et non de tes paroles. Mon sein supportera mieux la pointe de ton
poignard, que mon oreille cette tragique histoire... Mais pourquoi
viens-tu? Est-ce pour avoir ma vie?

GLOCESTER.--Me prends-tu donc pour un bourreau?

LE ROI.--Je te connais pour un persécuteur: mettre à mort des innocents
est l'office du bourreau; tu en es un.

GLOCESTER.--J'ai tué ton fils en punition de son insolente audace.

LE ROI.--Si tu avais été tué à ta première insolence, tu n'aurais pas
vécu pour assassiner mon fils; et je prédis que l'heure où tu vins au
monde sera déplorée par des milliers d'hommes, qui ne soupçonnent pas en
ce moment la moindre partie de mes craintes; par les soupirs de plus
d'un vieillard, les larmes de plus d'une veuve, et par les yeux de tant
de malheureux condamnés à pleurer la mort prématurée, les pères de leurs
enfants, les femmes de leurs époux, et les orphelins de leurs parents. A
ta naissance le hibou fit entendre son cri lamentable, signe certain de
malheur; le corbeau de nuit croassa, présageant ces temps désastreux,
les chiens hurlèrent, et une horrible tempête déracina les arbres. La
corneille se percha sur le haut de la cheminée, et les pies babillardes
vinrent effrayer les coeurs de sons discordants. Ta mère ressentit des
douleurs plus cruelles que les douleurs imposées aux mères, et cependant
ce qu'elle mit au monde était bien au-dessous des espérances d'une mère,
et ne lui offrit qu'une masse informe et hideuse, qui ne devait pas être
le fruit d'une tige si belle. Tu naquis la bouche déjà armée de dents,
pour annoncer que tu venais déchirer les hommes; et si tout ce qu'on m'a
raconté est vrai, tu vins au monde....

GLOCESTER.--Je n'en entendrai pas davantage. Meurs, prophète, au milieu
de ton discours. (Il le poignarde.) C'est pour cela entre autres choses
que j'ai été créé.

LE ROI.--Oui, et pour commettre bien d'autres assassinats que le
mien.--O Dieu, pardonne-moi mes péchés.... et qu'il te pardonne aussi!

(Il meurt.)

GLOCESTER.--Quoi! le sang ambitieux de Lancastre s'enfonce dans la
terre? J'aurais cru qu'il devait monter. Voyez comme mon épée pleure la
mort de ce pauvre roi? Oh! puissent à jamais être rougis de pareilles
larmes, ceux qui désirent la chute de notre maison!--S'il reste encore
ici quelque étincelle de vie, qu'elle aille, qu'elle aille aux enfers,
et dis aux démons que c'est moi qui t'y ai envoyé (_il lui donne un
nouveau coup de poignard_), moi qui ne connais ni la pitié, ni l'amour,
ni la crainte.--En effet, ce que me disait Henri est véritable. J'ai
souvent ouï dire à ma mère que j'étais venu au monde les pieds devant.
Eh bien! qu'en pensez-vous? N'ai-je pas eu raison de me hâter pour
travailler à la ruine de ceux qui usurpaient nos droits? La sage-femme
fut saisie de surprise, et les femmes s'écrièrent: _O Jésus,
bénissez-nous, il est né avec des dents?_ Et c'était la vérité, signe
évident que je devais grogner, mordre et montrer en tout le caractère du
chien. Eh bien, puisqu'il a plu au ciel de construire ainsi mon corps,
que l'enfer pour y répondre déforme mon âme!--Je n'ai point de frère; je
n'ai aucuns traits de mes frères, et ce mot amour, que les barbes grises
appellent divin, réside dans les hommes qui se ressemblent, et non pas
en moi: je suis seul de mon espèce.--Clarence, prends garde à toi: tu es
entre la lumière et moi, mais je saurai faire naître pour toi un jour de
ténèbres; je ferai bourdonner çà et là de telles prédictions, que le roi
Édouard tremblera pour ses jours; et, pour dissiper ses craintes, je te
ferai trouver la mort. Voilà le roi Henri, et le prince son fils,
expédiés: Clarence, ton tour est venu.... et ainsi des autres; je ne
verrai en moi rien de bon jusqu'à ce que je sois tout ce qu'il y a de
mieux.--Je vais jeter ton cadavre dans une autre chambre: ta mort,
Henri, est pour moi un jour de triomphe.

(Il sort.)




SCÈNE VII

Toujours à Londres.--Un appartement dans le palais d'Édouard.

_On voit_ LE ROI ÉDOUARD _assis sur son trône. Près au roi_ LA REINE
ÉLISABETH, _tenant son enfant;_ CLARENCE, GLOCESTER, HASTINGS, _et
autres._


LE ROI ÉDOUARD.--Nous voilà une seconde fois assis sur le trône royal
d'Angleterre, racheté au prix du sang de nos ennemis! Que de vaillants
adversaires nous avons moissonnés, comme les épis de l'automne, au faîte
de leur orgueil! Trois ducs de Somerset, tous trois renommés comme des
combattants intrépides et sans soupçon; deux Clifford, le père et le
fils, et deux Northumberland: jamais plus braves guerriers n'enfoncèrent
au signal de la trompette l'éperon dans les flancs de leurs coursiers,
et avec eux ces deux ours valeureux, Warwick et Montaigu, qui tenaient
dans leurs chaînes le lion couronné, et faisaient trembler les forêts de
leurs rugissements. Ainsi nous avons écarté la méfiance de notre trône,
et nous avons fait de la sécurité notre marchepied. (A la reine.)
Approche, Bett, que je baise mon enfant. Petit Ned, c'est pour toi que
tes oncles et moi, nous avons passé sous l'armure les nuits de l'hiver;
que nous avons marché rapidement dans les ardeurs de l'été, afin que tu
pusses rentrer paisiblement en possession de la couronne; et c'est toi
qui recueilleras le fruit de nos travaux.

GLOCESTER, _à part_.--J'empoisonnerai bien sa moisson, quand ta tête
reposera sous terre; car on ne fait pas encore attention à moi dans
l'univers. Cette épaule si épaisse a été destinée à porter, et elle
portera quelque honorable fardeau, ou je m'y romprai les reins.--Ceci
(_touchant son front_) doit préparer les voies;--(_montrant sa main_)
ceci doit exécuter.

LE ROI ÉDOUARD.--Clarence, et toi, Glocester, aimez mon aimable reine,
et donnez un baiser au petit prince votre neveu, mes frères.

CLARENCE.--Que ce baiser que j'imprime sur les lèvres de cet enfant,
soit le gage de l'obéissance que je dois et veux rendre à Votre Majesté!

LE ROI ÉDOUARD.--Je te remercie, noble Clarence; digne frère, je te
remercie.

GLOCESTER.--En témoignage de l'amour que je porte à la tige d'où tu es
sorti, je donne ce tendre baiser à son jeune fruit. (_A part._) Pour
dire la vérité, ce fut ainsi que Judas baisa son maître. Il lui criait:
bonheur! tandis que dans son âme il ne songeait qu'à faire le mal.

LE ROI ÉDOUARD.--Maintenant je suis établi dans le bonheur que désirait
mon âme; je possède la paix de mon royaume, et la tendresse de mes
frères.

CLARENCE.--Qu'ordonne Votre Majesté sur le sort de Marguerite? René, son
père, a engagé dans les mains du roi de France les Deux-Siciles et
Jérusalem, et ils en ont envoyé le prix pour sa rançon.

LE ROI ÉDOUARD.--Qu'elle parte: faites-la conduire en France.--Que nous
reste-t-il maintenant qu'à passer notre temps en fêtes magnifiques, à
voir représenter de joyeuses comédies, et à réunir tous les plaisirs que
doit offrir la cour?--Qu'on fasse résonner les tambours et les
trompettes!--Adieu, cruels soucis! car ce jour, je l'espère, commence le
cours d'une prospérité durable.

(Ils sortent.)

FIN DU CINQUIÈME ET DERNIER ACTE.
                
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