William Shakespear

Sonnets Volume 8
Go to page: 123
CXXXI

Tu es aussi tyrannique, telle que tu es, que celles dont les charmes les
rendent fièrement cruelles. Car tu sais bien que pour mon coeur tendre
et fidèle tu es le plus beau et le plus précieux des bijoux. Cependant,
de bonne foi, il en est qui disent que ton visage n'est pas de nature à
faire gémir l'amour. Je n'ose pas dire qu'ils se trompent, quoique je me
le jure à moi-même dans la solitude. Et pour être sûr que je n'ai pas
tort de le jurer, je gémis mille fois, mais en pensant à ton visage,
quand je me repose sur ton sein, je déclare qu'à mon avis ton teint brun
est plus blanc que tout au monde. Tu n'as de noir que tes actions, et
c'est là, je pense, ce qui fait naître ces calomnies.

CXXXII

J'aime tes yeux, et ceux qui connaissent ton coeur me tourmentent de
leur dédain, en faisant semblant de me plaindre: ils se sont vêtus de
noir, et ils pleurent tendrement en contemplant ma douleur avec une
charmante cruauté. Véritablement le soleil du matin qui brille dans le
ciel ne pare pas même les joues grises de l'orient, et l'étoile qui se
montre le soir, n'orne pas plus le sombre occident que ces deux yeux en
deuil ne parent ton visage: Oh, si ton coeur pouvait donc aussi pleurer
sur moi, puisque le deuil te va si bien, et si ta pitié pouvait
s'étendre sur tout! Alors, je jurerais que la beauté elle-même est noire
et que toutes celles qui n'ont pas ton teint sont laides.

CXXXIII

Malheur à ce coeur qui fait gémir mon coeur, par la profonde blessure
qu'il fait à mon ami et à moi! N'est-ce pas assez de me torturer, sans
qu'il faille encore réduire à l'esclavage mon plus cher ami? Ton cruel
regard m'a enlevé à moi-même, et tu as encore plus complétement absorbé
celui qui me tient le plus près au coeur; je suis abandonné par lui, par
moi-même et par toi; triple tourment que d'être ainsi persécuté.
Emprisonne mon coeur dans la forteresse de ton coeur d'acier, mais que
mon pauvre coeur serve d'otage pour le coeur de mon ami; si tu me
gardes, que mon coeur soit sa sentinelle; tu ne pourras pas user de
rigueur dans ma prison; et pourtant si, car je suis tellement absorbé en
toi, que moi et tout ce qui est en moi, nous t'appartenons par force.

CXXXIV

Maintenant j'ai avoué qu'il est à toi, et je me suis moi-même engagé
selon ton bon plaisir; je me livre à toi, afin que tu délivres cet autre
moi, qui sera ma consolation. Mais tu ne le veux pas, et lui, il ne veut
pas être libre, car tu es prudente, et il est bon! Il a appris à écrire
pour moi, sous ce joug qui le lie avec tout autant de puissance. Tu veux
prendre la garantie de ta beauté, comme un vrai usurier, qui sait se
servir de tout; et tu implores un ami, devenu débiteur par amour pour
moi; je le perds pour m'en être servi sans générosité. Je l'ai perdu;
nous sommes, lui et moi, en ton pouvoir; il paye la somme totale, et
cependant je ne suis pas libre.

CXXXV[1]

Quel que puisse être le désir, tu as ta volonté, la volonté d'acquérir
et de posséder à satiété; je sais trop bien qui te contrarie, en venant
ainsi ajouter à ta douce volonté. Ne veux-tu pas, toi dont la volonté
est vaste et spacieuse, consentir une fois à cacher ma volonté dans la
tienne? La volonté sera-t-elle toujours bien accueillie chez les autres,
et toujours repoussée chez moi? La mer, qui n'est que de l'eau, reçoit
pourtant la pluie, qui ajoute aux trésors de son abondance; daigne donc,
toi qui es riche en volonté, ajouter à ta volonté une mienne volonté
pour rendre ta volonté plus vaste encore. Ne tue pas des suppliants dans
ta cruelle beauté. Ne pense qu'à un seul, à moi qui suis Will.

[Note 1: Les deux sonnets qui se succèdent ici, CXXXV et CXXXVI, sont
presque incompréhensibles en français, parce qu'ils se composent d'une
série de jeux de mots sur will, volonté; will, sera, et Will,
abrégé de William, nom de baptême de Shakspeare.]

CXXXVI

Si ton âme te reproche ma présence, jure à ton âme aveugle que j'étais
ton Will (ta volonté), et ton âme sait bien que la volonté y est
admise. Remplis, en cela du moins, par amour, ma requête amoureuse.
Will comblera le trésor de ton amour; oui, comble-le de volontés, et
que la mienne en soit une, nous prouvons facilement que parmi des choses
innombrables, une seule chose ne compte pour rien. Laisse-moi donc
passer inaperçu dans la quantité, quoique je veuille compter dans le
nombre de tes biens. Ne me compte pour rien, pourvu que tu comptes ce
rien qui est moi, comme quelque chose qui t'est agréable. Aime seulement
mon nom, et aime-le toujours: Alors tu m'aimeras, car mon nom est
Will.

CXXXVII

O toi, Amour, fou aveugle, que fais-tu à mes yeux? ils regardent, et ne
voient pas ce qu'ils voient; ils savent ce que c'est que la beauté, ils
voient où elle réside, et cependant ils prennent ce qu'il y a de pire
pour ce qu'il y a de meilleur. Si les yeux, pervertis par des regards
trop partiaux, sont ancrés à la baie où voyagent tous les humains,
pourquoi as-tu forgé des hameçons, avec la fausseté des regards, pour
m'enlever mon bon jugement? Pourquoi mon coeur regarderait-il comme un
domaine séparé ce qu'il sait être la propriété commune de tout
l'univers? Ou, pourquoi mes yeux, qui voient tout cela, ne disent-ils
pas que c'est un crime de mettre la belle vérité sur un aussi laid
visage? Mon coeur et mes yeux ont commis des erreurs à l'égard de ce qui
est bien et véritable, et maintenant ils appartiennent à cette triste
fausseté.

CXXXVIII

Quand ma maîtresse jure qu'elle n'est que vérité, je la crois, quoique
je sache qu'elle ment; afin qu'elle me prenne pour un jeune adolescent
encore ignorant des fausses subtilités du monde. De même je crois à tort
qu'elle me croit jeune, bien qu'elle sache que mes beaux jours sont
loin; je me fie simplement à sa langue trompeuse. Ainsi des deux côtés
nous supprimons la simple vérité. Mais pourquoi ne dirait-elle pas
qu'elle n'est pas véridique? Et pourquoi ne dirais-je pas que je suis
vieux? Oh! l'amour fait bien mieux de prétendre à une entière vérité, et
le vieillard amoureux n'aime pas qu'on parle de son âge. Je lui mens, et
elle me ment, et nos mensonges viennent nous flatter dans nos défauts.

CXXXIX

Oh! ne me demande pas de justifier le mal que la cruauté fait à mon
coeur. Ne me blesse pas avec tes yeux, mais avec ta langue use avec
pouvoir de ton pouvoir, et ne me tue pas par la ruse. Dis-moi que tu
aimes ailleurs, mais en ma présence, ô mon cher coeur, garde-toi de
porter ailleurs tes yeux. Quel besoin as tu de me blesser par la ruse,
quand ta force est trop grande pour que je puisse tenter d'y résister?
Laisse-moi t'excuser: cela, mon amour sait bien, que ses charmants
regards ont été mes ennemis; aussi détourna-t-elle mes ennemis de mon
visage, afin qu'ils portent ailleurs leurs ravages. Mais ne le fais
plus, et puisque je suis presque mort, achève-moi de tes regards, et
délivre-moi de mes souffrances.

CXL

Sois aussi prudente que tu es cruelle; n'accable pas de trop de dédain
ma patience qui a la langue liée, de peur que la douleur ne m'inspire
pas des paroles pour exprimer ma souffrance que nul ne plaint. Si je
pouvais t'enseigner la sagesse, cela vaudrait mieux que me dire que tu
m'aimes, ô! mon amour, quand bien même je ne pourrais t'enseigner à les
aimer, de même que les malades, lorsqu'ils sont près d'expirer,
s'entendent toujours dire par les médecins qu'ils vont mieux. Car si je
tombais dans le désespoir, je pourrais perdre la raison, et dans ma
folie, je pourrais mal parler de toi. Et ce monde pervers est devenu si
mauvais que des oreilles insensées pourraient bien croire des calomnies
insensées. Afin que cela ne m'arrive pas, et que tu ne sois pas trahie,
regarde devant toi, lors même que ton coeur orgueilleux se répandrait au
loin.

CXLI

A vrai dire, je ne t'aime pas avec mes yeux, car ils remarquent en toi
une foule d'erreurs; mais c'est mon coeur qui aime ce qu'ils méprisent,
et qui se laisse charmer en dépit d'eux. Mes oreilles ne sont pas non
plus charmées du son de ta voix: le tendre toucher, facile à s'émouvoir
ni le goût, ni l'odorat ne m'inspirent le désir de trouver en toi seule
mon plaisir; mais ni mes cinq facultés, ni mes cinq sens ne peuvent
dissuader mon faible coeur de te servir, et j'abandonne la figure d'un
homme pour être l'esclave et le malheureux vassal de ton coeur
orgueilleux. Mais mon fléau devient mon profit, puisque celle qui me
fait pécher est aussi celle qui me fait souffrir.

CXLII

L'amour est mon péché, et ta chère vertu, c'est la haine, la haine de
mon péché, fondée sur un amour criminel. Oh! compare seulement ton état
avec le mien, et tu verras qu'il ne mérite pas de reproches; ou s'il en
mérite, qu'ils ne sortent pas de tes lèvres; elles ont profané leurs
ornements vermeils, et scellé des promesses mensongères aussi souvent
que les miennes, elles ont aussi souvent dérobé le bien d'autrui. Qu'il
me soit permis de t'aimer, comme tu aimes ceux que tes yeux appellent
autant que les miens t'importunent. Fais naître la pitié dans ton coeur,
afin que, lorsqu'elle y croîtra, ta pitié puisse mériter d'inspirer la
pitié. Si tu cherches à avoir ce que tu caches, puisses-tu être
contredite par ton propre exemple.

CXLIII

De même qu'une bonne ménagère qui a perdu une bête de la gent emplumée
se met à courir pour la rattraper, et met par terre son enfant, pour
courir à toutes jambes après l'animal qu'elle aurait voulu conserver,
tandis que son enfant négligé s'élance après elle, et pleure en voulant
attraper celle qui ne songe qu'à poursuivre l'objet qui fuit devant
elle, sans se soucier du chagrin de son pauvre enfant; de même tu cours
après ce qui t'échappe, tandis que moi, ton pauvre enfant, je te
poursuis de loin; mais si tu parviens à attraper l'objet de tes désirs,
reviens à moi, joue le rôle d'une mère, embrasse-moi, sois bonne; je
prierai pour que tu fasses ta volonté (thy Will), si tu daignes
revenir pour apaiser mes bruyants sanglots.

CXLIV

J'ai deux amours, l'un tout consolation, l'autre tout désespoir, qui me
tentent comme deux esprits. Mon bon ange est un homme au beau visage, et
au teint blanc, mon mauvais ange, une femme, mal peinte. Pour
m'entraîner plus vite en enfer, mon démon femelle cherche à éloigner de
moi mon bon ange, et voudrait faire de mon saint un démon, en séduisant
sa pureté par son orgueil infernal. Mon ange est-il devenu un démon?
J'en ai peur, mais je ne puis pas le dire positivement, tous deux
viennent de moi, tous deux sont unis; je soupçonne qu'un ange est dans
l'enfer de l'autre. Mais je vivrai toujours dans le doute, jusqu'à ce
que mon mauvais démon ait chassé mon bon ange.

CXLV

Ces lèvres qu'a formées la propre main de l'amour ont murmuré un son qui
disait «je déteste,» à moi qui languissais d'amour pour elle; mais,
quand elle a vu mon état lamentable, la pitié est aussitôt née dans son
coeur; elle a réprimandé cette langue qui, toujours si douce, ne savait
condamner que doucement; elle lui a appris à murmurer de nouveau «je
déteste,» mais en y ajoutant une conclusion aussi charmante que le jour,
si beau lorsqu'il remplace la nuit qui est chassée comme un démon du
ciel en enfer; elle a dit dans sa cruauté «je déteste» et elle a sauvé
ma vie en ajoutant «non pas vous.»

CXLVI

Pauvre âme, centre de mon argile pécheresse, trompée par ces puissances
rebelles qui t'environnent, pourquoi languis-tu et souffres-tu dans la
détresse, tandis que tu pares si pompeusement tes murs extérieurs?
Pourquoi tant dépenser, quand ton bail est si court, dans une maison qui
s'écroule? Les vers qui hériteront de tes excès, mangeront-ils ton
fardeau? Est-ce là le but de ton corps? O mon âme, vis de la détresse de
ton serviteur, laisse-le languir pour augmenter tes trésors; achète les
biens divins en vendant des heures de rebut: nourris-toi en dedans, ne
sois plus riche en dehors; tu te nourriras ainsi aux dépens de la mort,
qui se nourrit aux dépens des hommes, et la mort, une fois morte, il n'y
aura plus à mourir.

CXLVII

Mon amour est comme une fièvre, qui désire ardemment ce qui entretient
plus longtemps la maladie; il se nourrit de ce qui fait durer le mal,
pour complaire à son appétit inégal et maladif. Ma raison, qui est le
médecin de mon amour, furieuse qu'on n'observe pas ses prescriptions,
m'a abandonné, et dans mon désespoir je veux un bien qui est la mort, et
que la médecine avait défendu. Je ne puis plus guérir, la raison n'y
peut rien, et ma folie a franchi toutes les bornes; mes pensées et mes
discours sont ceux d'un insensé, ils s'écartent follement de la vérité,
car j'ai juré que tu étais blanche, et j'ai cru que tu étais
resplendissante, toi qui es aussi noire que l'enfer, et aussi obscure
que la nuit.

CXLVIII

Hélas! Quels yeux l'amour a mis dans ma tête, ils n'ont aucun rapport
avec des yeux véritables! Ou bien, s'ils en ont, où s'est donc enfui mon
jugement qui censure faussement ce que mes yeux voient vraiment? Si
l'objet qui charme mes yeux menteurs est beau, pourquoi donc le monde
soutient-il le contraire? Si cet objet n'est pas beau, l'amour prouve
bien alors que l'oeil de l'Amour ne voit pas aussi juste que celui des
autres hommes. Oh! non, et comment cela se pourrait-il? Comment l'oeil
de l'Amour pourrait-il bien voir, lui qui est tellement lassé de veilles
et de larmes? Il n'y a donc rien de surprenant à ce que mes yeux
commettent des erreurs; le soleil lui-même ne voit pas, tant que le ciel
ne s'est pas éclairci. O toi, Amour rusé! tu cherches à m'aveugler par
des larmes, de peur que des yeux clairvoyants ne puissent découvrir tes
vilains défauts.

CXLIX

Peux-tu dire, ô cruelle, que je ne t'aime pas, lorsque je prends parti
avec toi contre moi-même? Est-ce que je ne pense pas à toi, quand par
excès d'amour, pour toi qui me tyrannises, j'oublie que je suis
moi-même. Si tu détestes quelqu'un, est-ce que je l'appelle mon ami? Si
tu es courroucée, est-ce que je fais des courbettes à l'objet de ton
courroux? Et même quand tu es irritée contre moi, est-ce que je ne me
châtie pas moi-même par des plaintes continuelles? Quel mérite est-ce
que je trouve en moi, qui me pousse à mépriser ton service, quand toutes
mes meilleures qualités adorent tes défauts, et ne font qu'obéir au
mouvement de tes yeux? Mais, mon amour, continue à haïr, car maintenant
je connais ton sentiment; tu aimes ceux qui peuvent voir, et moi, je
suis aveugle.

CL

Oh! qui t'a donné ce pouvoir merveilleux par lequel tu gouvernes mon
coeur, à force de défauts? Comment peux-tu faire mentir mes yeux, et me
faire jurer que ce qui est brillant ne pare pas le jour? Comment peux-tu
tellement orner ce qui est mal que dans tes actions les plus coupables,
il se trouve toujours une force et une habileté qui font qu'à mes yeux
tes plus grands défauts valent mieux que les plus belles qualités? Qui
t'a appris à me contraindre de t'aimer davantage? Plus j'apprends et
plus je vois de justes motifs de te haïr. Oh! quoique j'aime ce que les
autres abhorrent, auprès des autres tu ne devrais pas abhorrer ma
condition: si ton indignité a fait naître en moi l'amour, je suis
d'autant plus digne d'être aimé par toi.

CLI

L'amour est trop jeune pour savoir ce que c'est que la conscience; et
cependant qui ne sait que la conscience est née de l'amour? Ainsi, belle
trompeuse, ne me reproche pas mes fautes, de peur que ta charmante
personne n'ait à s'en reconnaître coupable. Car si tu me trahis, je
trahis ce qu'il y a de plus noble en moi par la trahison de mon corps
grossier. Mon âme dit à mon corps qu'il peut triompher dans son amour:
la chair ne demande pas d'autre raison, elle bondit à ton nom, et le
désigne comme le prix de son triomphe. Fier de cette fierté, mon corps
se contente d'être bon, pauvre esclave, de t'appuyer dans la vie, de
succomber si tu succombes. Ne crois pas que ce soit par défaut de
conscience que j'appelle mon amour, celle dont le précieux amour me
relève ou me jette à terre.

CLII

En t'aimant, tu sais que je suis parjure, mais tu es doublement parjure,
toi qui me jures de m'aimer; en fait, tu as manqué à tes voeux, tu as
décliné ta foi nouvelle en jurant de nouveau de haïr après avoir aimé de
nouveau. Mais pourquoi est-ce que je t'accuse d'avoir manqué deux fois à
tes serments, moi qui ai manqué vingt fois aux miens? Je suis plus
parjure que toi; car tous mes voeux sont des serments de te maltraiter,
et j'ai perdu toute ma loyale foi en toi; car j'ai tant de fois juré que
tu étais vraiment bonne, tendre, fidèle, et contente pour t'éclairer,
j'ai voulu être aveugle, ou j'ai fait dire à mes yeux qu'ils voyaient le
contraire de la vérité: j'ai juré que tu étais blanche et belle; quel
parjure de proférer, contre toute vérité, un si odieux mensonge!

CLIII

Cupidon posa sa torche, et s'endormit. Une des filles de Diane en sut
profiter, et plongea vivement ce brandon d'amour dans la source glacée
d'une vallée de ce pays: cette fontaine emprunta au feu sacré de l'amour
une chaleur perpétuelle et constante: elle devint un bain que les hommes
regardent encore comme un remède souverain contre des maladies
singulières. Mais la torche de l'amour vient se rallumer aux yeux de ma
maîtresse; l'enfant voulut essayer d'en toucher mon coeur et moi, déjà
malade, je voulais essayer des bains, et je me rendis en ce lieu, triste
et souffrant, mais je n'y ai pas trouvé la guérison: le bain qui peut me
guérir est là où Cupidon est venu chercher de nouvelles flammes, dans
les yeux de ma maîtresse.

CLIV

Un jour, le petit dieu d'amour, s'étant endormi, posa à ses côtés sa
torche qui enflamme les coeurs: une foule de nymphes qui avaient juré de
rester chastes et pures vinrent errer dans ces lieux: mais la plus belle
de toutes prit dans sa main virginale ce feu qui avait embrasé tant de
milliers de coeurs fidèles: et le général du désir ardent fut désarmé
pendant son sommeil par la main d'une vierge: elle éteignit la torche
dans une onde glacée qui fut réchauffée à tout jamais par le feu de
l'amour, et devint un remède salutaire pour les gens malades; mais moi,
qui suis sous l'empire de ma maîtresse, j'y suis venu chercher la
guérison, et maintenant j'éprouve que le feu de l'amour réchauffe l'eau,
mais que l'eau ne refroidit pas l'amour.

FIN.
                
Go to page: 123
 
 
Хостинг от uCoz